Mission Microscope
Rencontre avec le physicien théoricien
Thibault Damour
Thibault Damour
Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la Mission Microscope. Les principaux responsables et chefs de projet étaient présents.
Voir le sujet complet sur Mission Microscope (cliquez sur ce lien en jaune)
Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969(Crédit : Laurence Honnorat) |
Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ?
Pourquoi avoir choisi de travailler sur la Physique et dans le
domaine spatial ?
Je suis physicien théoricien.
Je suis physicien théoricien.
J'explore les conséquences de la théorie
de la Relativité Générale d'Einstein, et de ses extensions modernes, en
particulier les modifications de la Relativité Générale suggérées par la
théorie des cordes.
Depuis que j'ai 14 ans, je voulais faire
de la physique, et, en particulier, travailler autour des idées introduites par
Einstein. C'est mon métier qui m'a choisi plutôt que l'inverse.
J'ai
eu la chance de pouvoir vivre ma vocation de jeunesse, et en vivre.
Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de
temps travaillez-vous sur ce projet ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur
un tel projet ?
Ce n'est pas moi qui ai choisi de
travailler (en partie) dans le domaine spatial. En 1989, le Principal
Investigator (PI) du projet spatial américain Satellite Test of the Equivalence
Principle (STEP), Francis Everitt, de l'Université de Stanford (que je
connaissais depuis 1974), m'a contacté pour me proposer de faire partie de
l'équipe américano-européenne qu'il rassemblait pour proposer le projet STEP
comme mission M2 de l'ESA (en collaboration avec la NASA).
Le concept de la mission STEP était essentiellement
une version cryogénique de Microscope, visant a tester le principe
d'équivalence en satellite, avec une précision de 10^-18.
C'est au cours de l'étude de phase-A de
la mission STEP que j'ai rencontré Pierre Touboul. Nous nous sommes liés
d'amitié.
Après deux études de niveau phase-A à
l'ESA, la mission STEP n'a pas été retenue comme mission M2. Après la
considération de divers avatars possibles de STEP par l'ESA (M3-STEP,
QuickSTEP, MiniSTEP, Geo-STEP), qui ne furent pas retenus par l'ESA (ni la
NASA), Pierre Touboul et Gilles Métris ont proposé la mission Microscope au
CNES en 1997.
Mon rôle dans les projets spatiaux STEP
et Microscope :
Depuis 1989, mon rôle principal a été de
réfléchir aux motivations, en physique théorique, pour faire des tests
satellitaires, de très haute précision, du principe d'équivalence, et d'expliquer
l'intérêt scientifique de telles missions auprès de plusieurs communautés scientifiques
: la communauté des physiciens d'abord, puis les diverses communautés
travaillant dans ou pour le domaine spatial.
Du point de vue purement scientifique ma
réflexion a conduit à des publications concernant les divers aspects d'une
mission satellitaire du principe d'équivalence.
Par exemple les deux articles
- The String dilaton and a least coupling principle, par T. Damour et A. M. Polyakov, Nucl.Phys.
B423 (1994) 532-558; hep-th/9401069.
- Runaway dilaton and equivalence principle violations, par Thibault Damour, Federico Piazza et Gabriele
Veneziano, Phys.Rev.Lett. 89 (2002) 081601 gr-qc/0204094.
ont montré qu'il était possible, en
théorie des cordes, que le champ scalaire supplémentaire appelé
"dilaton" puisse, de façon naturelle, causer des violations
apparentes du principe d'équivalence à un niveau trop petit pour avoir été vu
dans les tests actuels de ce principe, mais assez grand pour être détecté dans
une expérience spatiale de haute précision.
Ces travaux montraient qu'une mission
comme Microscope était une "fenêtre" sur les théories
unifiées de la physique allant au delà de la Relativité Générale, comme la théorie des cordes.
unifiées de la physique allant au delà de la Relativité Générale, comme la théorie des cordes.
A part ces travaux purement théoriques,
j'ai aussi travaillé sur des aspects plus pratiques d'une mission satellitaire
du principe d'équivalence : comme la forme des masses d'épreuve (voir "Aspherical gravitational monopoles",
gr-qc/9611051), et le choix des matériaux d'épreuve (voir "Testing the equivalence principle: Why and
how?",gr- qc/9606080).
Mon rôle actuel dans la mission Microscope
est d'être membre, et de co-présider, le Science Working Group de cette
mission. Le rôle de ce groupe est (dorénavant) de :
1. Superviser et valider les opérations
de calibration de l'instrument en orbite
2. Passer en revue régulièrement les
buts scientifiques de la mission au vu des résultats
3. Approuver les données scientifiques
finales de la mission
4. Passer en revue l'organisation des
archives de données
5. Promouvoir la diffusion de l'information
concernant la mission
Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
J'ai toujours eu plaisir à accompagner,
participer à, et promouvoir les missions STEP, puis Microscope. Le plus gros
challenge a sans doute été d'affirmer que la mission Microsope représentait une
remarquable opportunité de découvrir quelque chose de nouveau et de profond
concernant la gravitation, sans cependant pouvoir chiffrer la probabilité que
Microscope trouve une violation du principe d'équivalence.
A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
Non ! L'espace me semble être un
environnement tout à fait hostile et délétère pour l'homme. Je pense que
l'envoi de robots (par exemple sur Mars) est préférable pour explorer le
système solaire. En tout cas, je n'ai aucun désir d'aller dans l'espace
moi-même.
Space Quotes - Souvenirs d'espace
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire