mardi 31 juillet 2012

31 juillet 1992 - 20 ans Mission STS-46 / Claude Nicollier et Franco Malerba, premier suisse et premier italien dans l'espace


31 juillet 1992 … La navette spatiale Atlantis décolle. C’est le douzième vol pour Atlantis.
À son bord 7 astronautes : Loren Shriver, Commandant (3ème vol), Andrew Allen, pilote (1er vol), Marsha Ivins (2ème vol), Jeffrey Hoffman (3ème vol), Franklin Chang-Diaz (3ème vol), et surtout Claude Nicollier et Franco Malerba, qui deviennent respectivement le premier suisse et le premier italien dans l’espace.


(Photo du décollage signée par le Commandant de la mission Loren Shriver)

Claude Nicollier et Franco Malerba ont été tout d’abord sélectionnés par l’Agence Spatiale Européenne en décembre 1977, comme astronautes pour le programme Spacelab.

Franco Malerba quitte l’ESA en mai 1978. Mais est de nouveau sélectionné comme astronaute, cette fois par l’Agence Spatiale Italienne, en 1989. Avec cette mission, Franco Malerba devient le premier italien dans l’espace.
Claude Nicollier, lui, deviendra le premier non américain a être sélectionné comme Mission Specialist par la NASA. Jusqu’à présent, tous les astronautes étrangers volant sur la navette avaient pour fonction Payload Specialist (Spécialiste de Charge Utile).

Claude Nicollier aura attendu 14 ans avant de voler. Il se rattrapera en volant 3 autres fois, et est actuellement l’astronaute de l’ESA ayant le plus volé. Avec cette mission, Claude Nicollier est le premier Suisse dans l’espace.
STS-46 avait deux objectifs principaux :
-          EURECA-1 : Mise en orbite de cette plateforme d’expériences scientifiques. Le maitre d’œuvre de celle-ci est l’Agence Spatiale Européenne.

-          STA-1 TSS : Satellite captif americano-italien. Le TSS (Tethered Satellite System) est relié à la navette par un câble en cuivre et kevlar de 20 kilomètres de long et de 3 mm d’épaisseur.

La plateforme EURECA-1 (Eurepean REtrievable Carrier) comporte 15 expériences développées par l’ESA concernant l’étude en apesanteur de divers domaines comme les matériaux, les sciences de la vie, ou la biologie.
La plateforme est mise sur orbite, à un peu plus de 500 km d’altitude en deux fois, suite à certains petits problèmes. La résolution de ceux-ci a retardé les autres objectifs de la mission dont le largage de STA-1 TSS. La NASA prolongera d’ailleurs la mission de 24 heures.
La plateforme devait à l’origine voler cinq fois. Elle sera récupérée par STS-57 et reviendra sur Terre le 1er juillet 1993, mais ne revolera jamais.

 
Concernant STA-1 TSS, l’objectif de cette mission était de tester une façon d’alimenter les futurs systèmes électriques d’une future station spatiale. Le satellite devait être déployé à 20 km, relié à  la navette. Par son passage dans les champs magnétiques de l’atmosphère terrestre, SAT-1 TSS devait générer des courants électriques à haute tension.
SAT-1 TSS se déploie normalement, mais se bloque à 258 mètres. Malgré plusieurs essais pour décoincer le câble, il sera impossible d’aller plus loin. Le câble est réenrouler et SAT-1 TSS retourne dans la soute.
(Photo humoristique de l'équipage relatant SAT-1 TSS et les spaguettis et le fromage fondu - Nicollier et Malerba)
D’autres expériences ou objectifs compléteront cette mission très chargée.

Atlantis et son équipage reviennent sur Terre le 8 août.

vendredi 27 juillet 2012

27 juillet 1992 - 20ème anniversaire du premier vol spatial de Michel Tognini - Soyouz TM-15


Nous sommes le 27 juillet 1992 au petit matin…

Une fusée décolle de Baïkonour… La capsule Soyouz TM-15 Antares s’envole avec son équipage composé d’Anatoli Soloviev (3ème mission), Sergueï Avdeïev (1er vol) et le français Michel Tognini, dont c’est aussi le premier vol.



La mission se dirige vers la station spatiale MIR et doit durer une dizaine de jours.

(Launch Cover de Baïkonour)

Michel Tognini a été sélectionné pour cette mission en 1990 avec Jean-Pierre Haigneré comme doublure. L’entraînement pour les deux hommes commence en janvier 1991 à la cité des Etoiles.

Michel Tognini connait bien la Cité des Etoiles pour y être venu s’entrainer déjà en 1987-88 en tant que doublure de Jean-Loup Chrétien lors de la mission Soyouz TM-7 Aragatz (nov-déc 1988).


Cette mission a la particularité d’être ‘’payante’’. Le CNES a en effet déboursé 12 millions de dollars de l’époque (environ 15 millions d’euros aujourd’hui), alors que les 3 premières missions spatiales de français avaient eu lieu à titre gracieux, en coopération amicale. Le prix de cette mission, comprend l’entrainement complet, le vol, ainsi que la mise en place des expérimentations tant médicales, physiques ou technologiques qui auront lieu à bord de MIR.

La mission s’appelle Antares du nom de l’étoile la plus brillante de la Constellation du Scorpion. On a choisi un nom commençant par la lettre A qui est la lettre qui commence également l’alphabet cyrillique et notre alphabet. Sur le logo, Antares figure l’œil du cosmonaute qui regarde sa planète. La Constellation du Scorpion est représentée également.
(Patch de la mission)
(Plaque commémorative avec les véritables patchs de la mission signée par Michel Tognini)
(Crédit Photo : Stéphane Sébile / Spacemen1969)


Deux jours après le décollage, Soyouz TM-15 s’arrime à MIR.

(2 enveloppes à la date du Docking et ayant voyagé à bord de MIR signées par les deux équipages)

Durant la dizaine de jours qui suit, Michel Tognini réalisera plusieurs expériences à bord de MIR.
·         Alice : Etude du comportement des fluides au point critique (Physique)
·         Biodose : Expérience médicale
·         Exeq : Expérience en technologie spatiale
·         Illusions : Expérience médicale
·         Immunologie 92 : Expérience médicale
·         Microaccéléromètre : Expérience en technologie spatiale
·         Nausicaa 1 : Expérience médicale
·         Orthostatisme : Expérience médicale
·         Supraconducteur : Expérience en physique
·         Viminal : Expérience médicale

Détails des expériences (d’après le livret de vol de la mission et du CNES) :

Alice :

L’instrument Alice est installé dans le module Kristall de la station MIR.

Etude en condition de microgravité du comportement hydrodynamique et thermique de différents types de fluides (fluides purs et mélanges binaires) au voisinage de leur point critique, et plus particulièrement leur changement de phase.
(Alice à bord de MIR / Crédit Photo : CNES)

Biodose :
Cette expérience est l’étude des effets biologiques des rayonnements cosmiques sur le matériel génétique par quantification des modifications de bases de l’ADN (telle la purine et la pyrimidine) afin de préciser les risques radiatifs au cours des vols spatiaux.


Exeq :
L’objectif est d’obtenir une meilleure connaissance de l'environnement spatial grâce à l’évaluation des flux des ions lourds et l’étude de l'influence de ces ions lourds sur les composants électroniques (microprocesseurs et mémoires SRAM et EEPROM).


Illusions :

Cette expérience a pour but l'étude des mécanismes nerveux assurant l’adaptation des fonctions sensorimotrices et de représentation du corps en microgravité.
Il s’agissait notamment d’analyser, en microgravité, le devenir des illusions perceptives et des réactions posturales induites, par application de vibrations au niveau de la nuque et du bras.


Immunologie :
Cette expérience a pour but d’étudier l’adaptation du système immunitaire au cours d’un vol spatial, de mieux comprendre ce qui le perturbe et d'envisager d'éventuelles mesures préventives.

Elle prolonge les recherches effectuées lors de la mission ARAGATZ, en 1988.


Microaccéléromètre :

Cette expérience a deux objectifs :

-       Compléter la cartographie microvibratoire de la station MIR
-       Caractériser le comportement dynamique d’une articulation mécanique (charnière à joint de Carpentier).


Nausicaa 1 :

L’objectif est l’étude des lois de répartition de la dose de rayonnement cosmique dans les différents compartiments du complexe orbital MIR et amélioration des méthodes de dosimétrie spatiale dans un souci de protection des cosmonautes.



Orthostatisme :

Cette expérience avait plusieurs objectifs.
-          Etude des effets de l’impesanteur sur le cœur, les artères et les veines à l’aide d’un échographe doppler ‘’As de Cœur’’. Et donc étude de la réadaptation de l’organisme lors du retour sur Terre.
-           l'étude des mécanismes biochimiques et hormonaux d'adaptation de l'homme en impesanteur, par des prélèvements d'urine, de salive et de sang grâce par l’expérience Diurèse.

-          l'étude des modifications d'épaisseur et de compliance des tissus cutanés par l’expérience Tissu.
(Michel Tognini et Anatoli Soloviev avec l'échographe)


Supraconducteur :

Etude de la cristallogenèse en microgravité de matériaux supraconducteurs à haute température critique de type YBCO (encore appelé YBaCuO : Oxyde mixte de Baryum de Cuivre et d'Yttrium) dans le but d’obtenir des monocristaux de grande taille et de grande qualité.


Viminal :

Visio Motricité INfluence de l’Apesanteur et de L’entrainement.

Cette expérience se proposait d’étudier les modifications intervenant dans le comportement visio-moteur d’un sujet exposé à la microgravité pendant une longue période.


L’équipage a rejoint les deux cosmonautes Alexandre Viktorenko et Alexandre Kaleri qui étaient déjà sur MIR depuis plus de 4 mois, et qui seront relevés par Soloviev et Avdeïev.

(Arrivée sur la Station MIR signée par Michel Tognini et Alexandre Kaleri)
(Retrouvailles entre Michel Tognini et Alexandre kaleri lors du Salon du Bourget 2009)
(crédit photo : Stéphane Sebile / Spacemen1969)

Durant son vol, Michel Tognini fera plusieurs communications depuis la station MIR dont une avec le Président de  la République François Mitterrand avec qui il parlera d’Hermès.

La mission a été bien couverte médiatiquement. Michel Tognini fera de fréquentes liaisons avec Radio France notamment.
(Michel Tognini en vol / Crédit Photo : Stéphane Sebile - Spacemen1969)

Il y a également une liaison directe entre Michel Tognini à bord de MIR et Claude Nicollier, qui se trouve à bord de la navette spatiale américaine Atlantis (STS-46). Nous fêterons également le 20ème anniversaire de ce vol dans quelques jours (un article sera consacré à la mission STS-46).


Une couverture médiatique pour les enfants a également été réalisée, notamment avec le Journal de Mickey qui a publié plusieurs articles sur la mission dont ce numéro spécial avec poster géant ''dédicacé''.



Après 13 jours 18 heures de vol, Michel Tognini, accompagné de Viktorenko et de Kaleri, touche terre.

Le chef de la mission était André Labarthe, le responsable médical était Olivier Martin, le médecin de Michel Tognini était Bernart Combet, le coordinateur de vol était Lionel Suchet et le responsable des équipages du CNES était Jacques Ratier.
La capsule Soyouz TM-14, qui a servi au retour sur Terre, se trouve actuellement en exposition au musée RKK Energia qui se trouve à Korolev en Russie.

La tenue bleue de travail portée par Michel Tognini au cours de sa mission est exposée dans le Hall Espace du Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget.
(Crédit Photo : Stéphane Sebile / Spacemen1969)
(Michel Tognini devant la capsule Soyouz T-6 au Musée de l'Air et de l'Espace lors de la commémoration
des 30 ans du premier vol d'un français dans l'espace le 26 juin dernier / Crédit Photo : Stéphane Sebile - Spacemen 1969)
(Timbre émis en 2006)

mardi 24 juillet 2012

Disparition de Sally Ride (1951-2012), première américaine dans l'espace

Sally Ride, première américaine dans l'espace vient de nous quitter à l'âge de 61 ans d'un cancer du pancréas. Cela faisait plusieurs mois qu'elle luttait contre ce cancer.


Sally Ride a été sélectionnée en 1978 dans le groupe 8 de la NASA.

En juin 1983, elle devient la première américaine dans l'espace lors de la mission STS-7.

Elle revole en 1984 lors de la mission STS-41G.

Son vol avait fait de Sally Ride une véritable ''idole'' aux Etats-Unis, particulièrement auprès des femmes et des scientifiques. Elle a inspiré des millions d'américains dans leur vocation.

Sally Ride a également fait partie des commissions d'enquêtes sur les accidents de Challenger et de Columbia.

Sally Ride a aussi écrit plusieurs ouvrages dont certains de vulgarisation sur le thème du spatial et aussi fondée en 2001, le Sally Ride Center dédié à la science.


jeudi 19 juillet 2012

Rencontre avec l'astronaute Fred Gregory qui vola trois fois à bord de la navette spatiale en tant que pilote et commandant

Frederick ‘’Fred’’ Gregory est un ancien pilote de chasse et pilote d’essais de l’US Air Force.

Il est sélectionné en 1978 dans le groupe 8 de la NASA, groupe composé de la première sélection d’astronautes spécialement affectée au programme de la navette spatiale.

Il sera pilote lors de son premier vol (STS-51B) et commandera deux missions de la navette spatiale  (STS-33 et STS-44).


Il quitte la NASA en 1993. Il revient à la NASA entre 2002 et 2005 où il occupera successivement les postes d’Associate Administrator (pour les vols habités) et Directeur-Adjoint de la NASA.

Fred Gregory vient ici nous parler de sa première mission STS-51B (29 avril au 6 mai 1985).

 Interview réalisée en avril 2012 lors de la cérémonie d'arrivée de la navette Discovery à l'Udvar-Hazy Center de Chantilly (près de Washington DC).

(Fred Gregory lors de l'interview)

Vous souvenez-vous à quand remonte votre passion pour les avions ?

Lors d’un meeting aérien, j’ai été très impressionné par les Thunderbirds (ndlr = Equipe de voltige et de démonstration de l’US Air Force). Jai rencontré un des pilotes et je lui ai demandé comment il fallait faire pour devenir pilote de Thunderbirds. Il m’a dit qu’il fallait mieux faire l’US Air Force Academy. J’ai donc décidé de faire l’Academy !

Vous aviez quel âge ?

Je ne sais plus – Certainement 14 ou 15 ans !

Pourquoi avoir présenté votre candidature comme astronaute ?

En fait, c’est l’USAF qui décide et présente ses candidats à la NASA. Après vous acceptez ou pas…

Vous avez hésitez avant de dire oui ?

Euh… non ! Pas vraiment… pas du tout même (rires) !

Dans quel état d’esprit étiez-vous avant le décollage, vous sentiez-vous anxieux, nerveux ? un peu ‘’peur’’ ?

J’étais bien préparé, nous étions bien préparés. Nous avions eu un long entrainement. C’était une mission spacelab (ndlr = la première mission spacelab complète opérationnelle). J’étais très confiant dans la navette, l’équipage, le matériel et dans moi-même… (Rires).

J’étais un peu anxieux, mais pas de peur. Et surtout excité à l’idée de partir.

Comment s’est passé le décollage ? Qu’avez-vous ressenti ? Comment étiez-vous ?

J’étais très concentré pendant la phase de décollage mais aussi détendu… c’est bizarre, non… (Rires).

C’était réellement super ! J’ai l’habitude de dire lorsque l’on me le demande : c’était Wow !!!

On entend bien les moteurs, ça vibre, ça vibre et on voit la tour de lancement bouger par la fenêtre ! En fait, c’est nous qui bougeons… nous décollons… On décolle ! Wow… (rires).

Je me souviens avoir rigolé pendant le décollage tellement j’étais content… c’est mon côté cool… (Rires).




Avez-vous rencontré des difficultés pendant le vol et comment les avez-vous résolues ?

Pas de grosses difficultés autant que je m’en souvienne. Le seul véritable problème a été que nous n'avons pas réussi à déployer un satellite (ndlr = GLOMR)

A quoi avez-vous pensé pendant le vol ? Avez-vous eu le temps de regarder la Terre ?

Concentré sur mon travail essentiellement. Mais en tant que pilote, j’ai pu énormément regarder à l’extérieur. La Terre est belle ! Vraiment belle ! Comme j’aime le dire, je me suis senti réellement ‘’A Space Person’’. Une ‘’Space Person’’ qui regarde la Terre, ma Terre. J’étais une ‘’Space Person’’ et une ‘’Earth Person’’ tout à la fois.

J’ai aussi été très impressionné par les aurores boréales vues de Challenger.


Comment était la nourriture ? Etait-ce bon ?

Bonne mais un peu fade. Heureusement que j’ai amené les épices.

Et le retour ? Qu’avez-vous ressenti ? Comment s’est-il passé ?

Le retour s’est bien passé. Cool… Je me suis senti un peu lourd en arrivant.




Etiez-vous content de revenir sur Terre ou bien seriez-vous resté votre vie entière là-haut ?

Content de revenir, oui… mais content aussi de penser que je pourrai certainement y retourner un jour !

(Fred Gregory le 19 avril 2012 à l'Udvar-Hazy Center)