mercredi 20 avril 2016


Mission Microscope

Rencontre avec Sylvie Leon-Hirtz
responsable de la physique fondamentale
dans l'espace, au CNES


Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la Mission Microscope. Les principaux responsables et chefs de projet étaient présents.

Voir le sujet complet sur Mission Microscope (cliquez sur ce lien en jaune)

Sylvie Leon-Hirtz travaille au CNES et est la responsable de la physique fondamentale dans l'espace.

Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ? Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine spatial ?
Je travaille à la Direction de l’Innovation et des Applications du  Centre National d’Etudes Spatiales, au sein de l'équipe SME traitant des Sciences de l’univers, des sciences en Microgravité et de l’Exploration robotique et habitée. Je suis responsable du programme de  physique fondamentale dans l’espace. 
Le CNES s’adresse à la communauté scientifique à travers des appels à propositions.  Le programme est construit  en s’appuyant sur  les recommandations d’un groupe d’experts scientifiques qui évaluent les propositions reçues.
Ce  travail a de multiples facettes en relation avec la communauté scientifique (élaboration des priorités et de la prospective,  soutien aux laboratoires, conventions de recherche, allocations  pour des doctorants et post-doctorants..), avec  les équipes du Centre Technique du CNES à Toulouse, surtout en amont pour les études de faisabilité et en aval pour l’exploitation des missions mais aussi durant la réalisation des projets, et avec d’autres agences spatiales pour établir des coopérations.   

Avant de travailler pour le CNES, j’ai fait de l’enseignement et de la recherche au CNRS en cristallographie-minéralogie, à l’université Paris-6. J’étudiais la formation de défauts dans les cristaux liés à leurs conditions de croissance, notamment le rôle de la convection naturelle dans la phase fluide.  
J’ai entendu parler de la possibilité d’expériences en microgravité et suis venue au CNES, mise à disposition pour une année sur le programme de physique de la matière condensée.  J’y suis finalement restée, attirée par la multitude de sujets auxquels l’espace peut être utile, et profitant de la chance de me voir confier des sujets nouveaux tels que l’exobiologie et la physique fondamentale.

Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur un tel projet ?
J’ai travaillé sur Microscope depuis le début avec beaucoup d’enthousiasme. Mon rôle a été très actif lors de différentes étapes : en 1999 l’étude de faisabilité que le Comité des Programmes Scientifiques avait recommandée, en 2001 l’accord de coopération ESA-CNES signé au salon du Bourget, l’élargissement du projet à des laboratoires allemands, la mise en place d’un comité directeur entre les agences CNES, ESA, DLR.
Après cette phase de montage du dossier de projet et son approbation par le CPS et le conseil d’administration du CNES, le projet est passé sous la responsabilité du centre technique de Toulouse. J’ai gardé l’accompagnement scientifique, avec l’organisation de la communauté scientifique intéressée par le projet, l’organisation de colloques et l’ouverture à de nouveaux participants pour la phase d’exploitation du projet.  

Microscope cherche une piste pour aller au-delà de la théorie de la relativité générale d’Einstein,  en tentant de mettre en évidence  une violation du principe d’équivalence au niveau de 10-15, deux ordres de grandeur de mieux que ce que l’on sait faire aujourd’hui.  C’est un enjeu exceptionnel et motivant.      

Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
Microscope a été sélectionné comme une petite mission,  sur un  microsatellite.
Pour  rester dans ce cadre, il a fallu innover, trouver les solutions les plus simples et les moins coûteuses tout en respectant des spécifications de mission très contraignantes. C’était quasiment mission impossible et cela nous a demandé beaucoup d’imagination et de persévérance.
Pour arriver à ce niveau de performances, il a fallu inventer une nouvelle méthode de travail flexible et interactive entre l’équipe projet du CNES et les scientifiques prenant en compte tout le système et réévaluant constamment l’impact de la moindre modification de l’instrument, du satellite, de l’orbitographie. Cela a été un défi permanent et n’aurait pas pu aboutir dans un contexte industriel classique.  
Il y eu par exemple une période de turbulences lorsque le CNES a dû abandonner les micro-propulseurs ioniques initialement prévus par l’ESA et revoir sa copie avec des micro-propulseurs à gaz froid comme ceux de la mission Gaia. Le satellite a alors grossi subitement en incorporant des réservoirs de gaz froid et a bien failli dépasser la taille limite autorisée.
   
A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
L’idée ne m’a pas effleurée. Je serais une vraie catastrophe,  je ne vois que d’un côté et me cogne partout. 
Je suis très admirative de ce que les astronautes sont capables de faire mais pas du tout convaincue  par la maxime qui dit que l’homme est fait pour quitter son berceau, en l’occurrence la Terre.  Je reste persuadée que la Terre est notre destinée, fragile, et nous nous devons avant tout de la protéger.

Par curiosité, lorsque je m’occupais d’expériences sur la physique des fluides, j’ai eu   l’occasion de participer à une campagne de vols en chute libre, à l’époque sur la Caravelle au centre d’essai en vol de Brétigny. Cette sensation de flotter, pendant une vingtaine de secondes, quarante  fois de suite sur une série de paraboles, m’est restée comme une agréable surprise.



 Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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Mission Microscope / Interview de Yves André, chef du projet


Mission Microscope

Rencontre avec Yves André 
chef du projet Microscope


Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la Mission Microscope. Les principaux responsables et chefs de projet étaient présents.

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Yves André travaille au CNES et est le chef du projet Microscope.

Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ? Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine spatial ?
Je suis chef du projet Microscope.
Je manage une équipe au CNES en m’appuyant sur un groupe de responsables très efficaces pour mener à terme ce projet en interne CNES.
Gérer le projet, c’est trouver les solutions pour tenir le planning, organiser le travail en particulier pour surmonter les difficultés techniques, gérer les ressources humaines et le budget en respectant les ressources prévue dans le contrat interne CNES.

J’ai choisi le spatial car dès mon adolescence j’étais passionné de physique et surtout d’astrophysique. Après mon DEA en Astrophysique, j’ai choisi une thèse en astrophysique instrumentale cofinancé par le CNES et j’ai adoré ce travail. Alors quand j’ai eu la chance d’avoir un poste au CNES, j’ai sauté sur l’occasion.

Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur un tel projet ?
J’ai travaillé 5 ans en tant que responsable satellite et 2 ans en tant que chef de projet.
J’ai choisi ce projet quand le chef de projet précédent Michel Bach est parti à la retraite. A ce moment-là, j’étais chef du projet Pilot, projet d’Astrophysique submillimétrique à bord de nacelle ballon stratosphérique.
Et je l’ai choisi car c’est un beau projet compliqué, passionnant, un mouton à 5 pattes que je connaissais bien car j’avais été responsable satellite pendant 5 ans de septembre 2004 à octobre 2009. J’avais envie aussi de retravailler avec cette équipe et de mener à terme avec eux ce projet difficile.

Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
C’est difficile d’en choisir un car ils ont été si nombreux.
Tout ce qu’il a fallu faire pour tenir le bilan de performance en termes d’études, d’analyses, de tests et de développement. L’instrument, le satellite et la propulsion sont de véritables challenges. Tenir le planning après 2012 quand il a fallu gagner 1 an et le tenir malgré les difficultés majeures rencontrées fut un gros challenge et amené les autres à y croire.

A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
Non pas vraiment. J’adore observer les étoiles, nébuleuses et galaxies mais aller dans l’espace dans les conditions actuelles ne me tente pas. Je préfère les voir depuis la Terre.



Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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lundi 18 avril 2016

Mission Microscope / Interview de Pierre Touboul, principal investigateur du projet


Mission Microscope

Rencontre avec Pierre Touboul
Principal Investigateur du projet


Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la mission Microscope.
Les principaux responsables du projet étaient présents.

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Pierre Touboul est le directeur scientifique de la branche physique de l'ONERA et il est le Principal Investigateur de la mission Microscope.

Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ?
Aujourd'hui, je suis Directeur scientifique de la branche physique de l'ONERA.
Mon travail consiste plus à motiver, orienter, évaluer, faire rayonner la recherche qui est faite par d'autres dans la branche mais j'ai fait toute ma carrière à l'ONERA qui est un bon compromis entre la recherche qui peut paraitre plus fondamentale et des projets de développement qui peuvent paraitre plus industriels.

Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine spatial ?
Je suis un enfant des premiers pas de l'homme sur la lune que j'ai vu à la télé la nuit avec mon grand-père. Adolescent, j'ai donc rêvé de spatial et j'étais passionné par la recherche : je suis plus  attiré par le savoir que par le pouvoir.

Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ?
Je suis PI (investigateur principal) de la mission.
Je dois garantir  que tous les choix effectués lors du développement de l’instrument, du satellite, du segment sol de le mission sont conformes à ses objectifs scientifiques : test du PE à 1 E-15.
Je dois aussi garantir que la communauté scientifique nationale et internationale  exploitera avec perspicacité et efficacité les données de la mission.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur un tel projet ?
Bel ambition que de savoir si derrière le rideau de la Relativité Générale, il y a autre chose !
Par ailleurs, c'est un sacré challenge de métrologie !

Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
D'un point de vue humain, garder la motivation durant plus de quine ans de toute une équipe (dont les membres ont été le plus souvent renouvelés).
D'un point de vue technique, c'est l'intégration en salle blanche de l’instrument avec sa complexité, ses exigences de géométrie à quelques micromètres, d'alignement à quelques millièmes de degré, de propreté pour éviter tout contact mécanique avec les deux masses, de fonctionnement mécanique et électrique...

A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
Non, car aujourd'hui les découvertes se font en automatique par des robots.


(Sylvie Leon-Hirtz, Yves André, Pierre Touboul, Thibault Damour, Gilles Metris et Gilles Davidowicz)

Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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dimanche 17 avril 2016

Mission Microscope / Interview de Gilles Metris, co-principal Investigateur du projet


Mission Microscope

Rencontre avec Gilles Metris
Co-Principal Investigateur du projet


Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la mission Microscope. Les principaux responsables du projet étaient présents.

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Gilles Metris est le co-principal Investigateur de la mission Microscope, et il est attaché à l'Observatoire Côte d'Azur / CNRS.

Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ? Pourquoi avoir choisi de travailler dans le domaine spatial ?
Je suis chercheur en astronomie, spécialisé en géodésie spatiale et dynamique orbitale. Concrètement, il s'agit d’utiliser les observations des mouvements des corps dans l’espace (et en particulier des satellites artificiels en orbite autour de la Terre) pour améliorer notre connaissance de l’environnement dans lequel ils évoluent.
Par exemple, les trajectoires des satellites sont influencées par la distribution des masses dans la Terre et permettent ainsi d’accéder à des modèles du champ de gravité terrestre ; l’atmosphère résiduelle à haute altitude « freine » le satellite et l’observation de ce freinage nous renseigne sur la densité de l’atmosphère ; on peut aussi mettre à l’épreuve différentes théories physiques et en particulier tester la gravitation.

Au départ, j’ai choisi de travailler dans le spatial par fascination pour cette discipline, pour accompagner les pionniers de la géodésie spatiale qui ont compris dès le début les immenses possibilités d’applications scientifiques comme celles que je viens de décrire. Il y a ensuite quelque chose d’unique que je n’ai découvert qu'ensuite : la pluridisciplinarité de cette activité et la multiplicité des experts avec qui nous sommes emmenés à collaborer, puisque nous sommes tournés à la fois vers la Terre et vers l’espace, vers l’instrumentation, la mesure et vers la modélisation.

Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur un tel projet ?
L’aventure MICROSCOPE est à elle seule une synthèse de ce que je viens de décrire : la rencontre entre des théoriciens qui pensent que le test du Principe d’Equivalence est un des moyens les plus efficaces pour mieux comprendre le couplage de la gravitation avec les autres interactions et d’experts en physique instrumentale à l’ONERA qui ont développés une technologie d’exception et qui semblait pouvoir être utile pour ce test.

L’idée de ce type de mission spatiale existait donc mais il y avait un chaînon manquant : comment cette expérience s’insère t’elle dans l’environnement spatial, comment la modéliser, comment analyser les résultats ?
C’est ainsi que ces acteurs nous ont sollicités il y a plus de 20 ans, sachant que nous avions déjà collaboré avec l’ONERA dans d’autres projets. De ce point de vue, mon implication dans le projet était très logique mais c’était aussi un immense pari. Mais finalement, le facteur déterminant a été les hommes et les femmes avec qui je partais dans cette aventure : non seulement les meilleurs dans leur domaine mais surtout des personnes de qualité à tous les points de vue. Le projet MICROSCOPE a été soumis au CNES en 1999. 

Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
Nous avons eu de nombreux moments délicats lors de l’étude et du développement de la mission MICROSCOPE : par exemple concernant l’instrument lorsque à plusieurs reprises un de ses éléments n’a pas résisté aux tests de vibration, ou bien concernant toute la mission lorsque nous ne trouvions pas d’opportunité de lancement adéquat puis que au contraire, une date de lancement étant imposée, il a fallu engager une course contre la montre pour être prêts à temps.

Il a fallu également, à plusieurs reprises, entrer en compétition avec d’autres projets pour confirmer notre sélection. Donc je dirais que le plus gros défi a été, pour tout le groupe, de faire preuve de persévérance et d’imagination pour franchir ces divers obstacles et à titre personnel de s’investir aussi longtemps dans le projet au détriment du reste de mon activité scientifique.

Pour ce qui concerne plus précisément notre activité d’analyse des données, la plus grande difficulté était de comprendre suffisamment bien tous les segments de la mission dont je n’étais pas expert comme le fonctionnement de l’instrument, du satellite, et leurs interactions.
Car dans MICROSCOPE, ce n’est pas juste un satellite qui sert d’hôte à un instrument : les deux fonctionnent en forte interaction comme par exemple le système dit de compensation de trainée, actionné par le satellite mais asservi sur les mesures de l’instrument. Tout cela doit être pris en compte pour la modélisation et l’exploitation des données.


A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
Dans l’état actuel des technologies, oui, comme beaucoup de monde je crois.
Cela a peu à voir avec mon métier, ce serait un peu par goût de l’aventure mais avant tout pour la poésie, les émotions que cela doit procurer ; peut-être à l’image de ce qu’on ressent lors d’une randonnée hivernale en montagne.
En revanche je ne pense pas que j’aurais su prendre le risque qu’ont pris les premiers astronautes et cosmonautes, comme par exemple aller sur la Lune sans être bien certain d’en repartir ! Cela correspond à mon caractère : de l’aventure mais de façon très raisonnable.
C’est dans cet état d’esprit que je pratique la montagne et c’est dans cet état d’esprit que nous avons fait MICROSCOPE.

(Gilles Metris au micro au siège du CNES)


Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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Mission Microscope / Interview de Thibault Damour, physicien théoricien


Mission Microscope

Rencontre avec le physicien théoricien 
Thibault Damour


Vendredi 15 avril 2016 s'est tenue au siège du CNES à Paris une conférence de presse sur la présentation de la Mission Microscope. Les principaux responsables et chefs de projet étaient présents.

Voir le sujet complet sur Mission Microscope (cliquez sur ce lien en jaune)

(Crédit : Laurence Honnorat)
Quel est exactement votre travail et pourquoi l’avez-vous choisi ?
Pourquoi avoir choisi de travailler sur la Physique et dans le domaine spatial ?
Je suis physicien théoricien.
J'explore les conséquences de la théorie de la Relativité Générale d'Einstein, et de ses extensions modernes, en particulier les modifications de la Relativité Générale suggérées par la théorie des cordes.
Depuis que j'ai 14 ans, je voulais faire de la physique, et, en particulier, travailler autour des idées introduites par Einstein. C'est mon métier qui m'a choisi plutôt que l'inverse.
J'ai eu la chance de pouvoir vivre ma vocation de jeunesse, et en vivre.

Quel est votre rôle dans la Mission Microscope et depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur un tel projet ?
Ce n'est pas moi qui ai choisi de travailler (en partie) dans le domaine spatial.  En 1989, le Principal Investigator (PI) du projet spatial américain Satellite Test of the Equivalence Principle (STEP), Francis Everitt, de l'Université de Stanford (que je connaissais depuis 1974), m'a contacté pour me proposer de faire partie de l'équipe américano-européenne qu'il rassemblait pour proposer le projet STEP comme mission M2 de l'ESA (en collaboration avec la NASA).
Le concept de la mission STEP était essentiellement une version cryogénique de Microscope, visant a tester le principe d'équivalence en satellite, avec une précision de 10^-18.

C'est au cours de l'étude de phase-A de la mission STEP que j'ai rencontré Pierre Touboul. Nous nous sommes liés d'amitié.

Après deux études de niveau phase-A à l'ESA, la mission STEP n'a pas été retenue comme mission M2. Après la considération de divers  avatars possibles de STEP par l'ESA (M3-STEP, QuickSTEP, MiniSTEP, Geo-STEP), qui ne furent pas retenus par l'ESA (ni la NASA), Pierre Touboul et Gilles Métris ont proposé la mission Microscope au CNES en 1997.  

Mon rôle dans les projets spatiaux STEP et Microscope :

Depuis 1989, mon rôle principal a été de réfléchir aux motivations, en physique théorique, pour faire des tests satellitaires, de très haute précision, du principe d'équivalence, et d'expliquer  l'intérêt scientifique de telles missions auprès de plusieurs communautés scientifiques : la communauté des physiciens d'abord, puis les diverses communautés travaillant dans ou pour le domaine spatial.

Du point de vue purement scientifique ma réflexion a conduit à des publications concernant les divers aspects d'une mission satellitaire du principe d'équivalence.

Par exemple les deux articles

 -  The String dilaton and a least coupling principle, par T. Damour et A. M. Polyakov, Nucl.Phys. B423 (1994) 532-558; hep-th/9401069.
 - Runaway dilaton and equivalence principle violations, par Thibault Damour, Federico Piazza et Gabriele Veneziano, Phys.Rev.Lett. 89 (2002) 081601 gr-qc/0204094.

ont montré qu'il était possible, en théorie des cordes, que le champ scalaire supplémentaire appelé "dilaton" puisse, de façon naturelle, causer des violations apparentes du principe d'équivalence à un niveau trop petit pour avoir été vu dans les tests actuels de ce principe, mais assez grand pour être détecté dans une expérience spatiale de haute précision.
Ces travaux montraient qu'une mission comme Microscope  était une "fenêtre" sur les théories
unifiées de la physique allant au delà de la Relativité Générale, comme la théorie des cordes.

A part ces travaux purement théoriques, j'ai aussi travaillé sur des aspects plus pratiques d'une mission satellitaire du principe d'équivalence : comme la forme des masses d'épreuve (voir "Aspherical gravitational monopoles",  gr-qc/9611051), et le choix des matériaux d'épreuve (voir "Testing the equivalence principle: Why and how?",gr- qc/9606080).

Mon rôle actuel dans la mission Microscope est d'être membre, et de co-présider, le Science Working Group de cette mission. Le rôle de ce groupe est (dorénavant) de :

1. Superviser et valider les opérations de calibration de l'instrument en orbite
2. Passer en revue régulièrement les buts scientifiques de la mission au vu des résultats
3. Approuver les données scientifiques finales de la mission
4. Passer en revue l'organisation des archives de données
5. Promouvoir la diffusion de l'information concernant la mission

Quel a été pour vous le plus gros challenge dans ce projet ?
J'ai toujours eu plaisir à accompagner, participer à, et promouvoir les missions STEP, puis Microscope. Le plus gros challenge a sans doute été d'affirmer que la mission Microsope représentait une remarquable opportunité de découvrir quelque chose de nouveau et de profond concernant la gravitation, sans cependant pouvoir chiffrer la probabilité que Microscope trouve une violation du principe d'équivalence.

A titre personnel, aimeriez-vous aller dans l’espace et pourquoi ?
Non !  L'espace me semble être un environnement tout à fait hostile et délétère pour l'homme. Je pense que l'envoi de robots (par exemple sur Mars) est préférable pour explorer le système solaire. En tout cas, je n'ai aucun désir d'aller dans l'espace moi-même.




Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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vendredi 15 avril 2016

Présentation de la mission Microscope


Ce vendredi 15 avril 2016 se tenait au siège du CNES à Paris la conférence de presse de la mission Microscope (MICRO-Satellite à traînée Compensée pour l'Observation du Principe d'Equivalence).
Le lancement est prévu depuis Kourou le 22 avril par un lanceur Soyouz (le 14ème depuis Kourou). Microscope est lancé en même temps que Sentinel 1B et trois nanosatellites.



Ce Micro-Satellite doit tester l'universalité de la chute libre.

(Crédit : CNES)
Les principaux responsables de la mission et chefs de projets étaient présents - Parmi eux :

- Thibault Damour, Professeur à l'IHES (voir son interview en cliquant ici)
- Sylvie Leon-Hirtz, responsable de la thématique Physique Fondamentale au CNES (voir son interview en cliquant ici)
- Yves André, Chef de projet Microscope au CNES (voir son interview en cliquant ici)
- Alessandro Atzi, chef de projet adjoint Microscope à l'ESA
- Pierre Touboul, Principal Investigateur Microscope à l'ONERA (voir son interview en cliquant ici)
- Gilles Metris, Co-Principal Investigateur Microscope à l'Obs Côte d'Azur/CNRS (voir son interview en cliquant ici)
- Eberhard Bachem, Chef de projet Microscope à la DLR (agence spatiale allemande)

La conférence de presse était animée par Gilles Davidowicz.

Le site de la mission : https://microscope.cnes.fr/

(Le physicien Thibault Damour)
(Sylvie Leon-Hirtz, Yves André, Pierre Touboul, Thibault Damour, Gilles Metris et G. Davidowicz)
(Crédit : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace)

Mais qu'est-ce donc que l'universalité de la chute libre ?

Galilée imagine une théorie où deux objets de nature et de masse différente tombant de la Tour de Pise (tout le monde connaît cette légende) arriverait au sol exactement au même moment. La déduction qui s'impose à lui est toute simple : dans le vide, les corps tombent à la même vitesse, quelque soit leur nature ou leur masse. C'est ce qu'on appelle l'universalité de la chute libre ou l'équivalence entre la masse pesante (sensible à l'attraction gravitationnelle) et la masse inerte  ou masse d'inertie (sensible au changement de mouvement).
Et c'est cette observation qu'Albert Einstein va ériger en principe, le principe d'équivalence (PI), et qui sera le fondement de la théorie de la Relativité Générale.

Cette théorie, on va essayer de faire simple, décrit la gravitation comme une courbure de l'espace-temps. La gravitation est le moteur de la structuration et de l'évolution de l'univers. Et jusqu'à présent, elle n'a jamais été mise en défaut malgré les très nombreuses expériences y compris avec les premières observations d'ondes gravitationnelles. Ces expériences ont atteint un degré de précision atteignant  10-13  .

Je sais, cela peut paraître un peu ardu, mais un petit rappel était nécessaire ;-)


Pourquoi la mission Microscope ?

Pourtant, avec l'arrivée de nouvelles théories, comme la théorie quantique des champs (qui décrit le monde des particules) ou la théorie des cordes qui cherchent à concilier la gravitation avec d'autres facteurs, ces mêmes théories prédisent que le principe d'équivalence entre gravitation et accélération (principe fondateur de la Relativité Générale), pourrait être violé à un niveau très faible. C'est la raison d'être de Microscope : trouver une brèche dans la Relativité Générale d'Einstein.

Et c'est dans l'espace que l'on va donc étudier cela avec une précision de  10-15 , soit 100 fois supérieure aux observations obtenues sur Terre - pour ce faire, on étudiera le mouvement relatif de deux corps en réalisant une chute libre la plus parfaite possible, à 707 km d'altitude en orbite héliosynchrone.

Jusqu'à présent, toutes les expériences de chute libre étaient réalisées sur Terre avec seulement quelques secondes. En allant dans l'espace, Microscope permettra des observations sur le mouvement de chute libre permanente.
Le satellite est un satellite à compensation de traînée, c'est à dire que des micro-propulseurs d'une force de quelques micronewtons (puissance nécessaire pour soulever un grain de sable) permettent de compenser avec une extrême précision les forces non gravitationnelles, et donc de simuler de façon quasi parfaite une chute libre permanente (voir plus bas pour plus de détails sur les micro-propulseurs utilisés).

Si on trouve une violation du principe d'équivalence, cela ouvrira de nouvelles perspectives, de nouvelles portes de la physique où il y aura une nouvelle interaction se superposant à la gravitation et du couplage composition des masses et certaines particules élémentaires.

''Microscope est une fenêtre, extrêmement transparente, 
sur la physique au-delà de la physique actuelle''

Descriptif de Microscope

Microscope est un micro-satellite dérivé de la famille des satellites Myriade du CNES (pour la pate-forme). Il pèse 300 kg environ pour 1,4 m x 1 m x 1,5 m.


Pensée dans les années 1990, la mission a été sélectionnée par le CNES en 1999 et a été plusieurs fois reportée avant son lancement prévu le 22 avril 2016.

La particularité est que la charge utile et le satellite ne font qu'un. Le satellite est l'instrument et l'instrument est aussi le satellite.
Il est équipé de 8 micro-propulseurs à gaz froid qui compenseront les infimes perturbations afin de ne pas fausser les résultats. Ce système d'attitude et de compensation de traînée a été développé par le CNES pour la propulsion à gaz froid qui sera utilisé par les micro-propulseurs à poussée continue développés eux par l'ESA. Le gaz est réparti dans 6 petits réservoirs à 350 bars de pression - il y en a assez pour une mission d'au moins deux ans.


Le bloc charge utile (BCU) est le ''cocon'' de l'instrument principal, le T-SAGE, permettant de garantir la stabilité thermique et la tenue mécanique de celui-ci. Il pèse environ 50 kg et est à l'intérieur du satellite fixé sur la paroi qui ne voit jamais le soleil. Il a deux étages séparés par des barres de titane isolante. L'ensemble est isolé radiativement du reste de la plateforme par un isolant spécial MLI (Multi-Layer Insulator).



L'instrument T-SAGE

L'ONERA a développé l'instrument T-SAGE qui est la pièce maîtresse de Microscope. Il est composé d'un double accéléromètre différentiel qui va donc tester le principe d'équivalence de la théorie d'Einstein.

T-SAGE veut dire Twin Space Accelerometre for Space Gravity Experiment et il est un concentré du savoir-faire de l'ONERA sur la micro-accélométrie depuis plus de 40 ans.
Ces micro-accéléromètres différentiels vont mesurer pendant plusieurs mois d'affilée les éventuelles différences (et tout le monde espère qu'il y en aura) d'accélération de deux masses cylindriques de composition différentes, platine et titane en les comparant avec deux masses de matériau identique (platine) qui seront toutes soumises au seul champ de gravité.

(L'instrument T-SAGE avant l'intégration / Crédit : CNES - Sébastien Girard)

Après deux ans de service, Miscroscope sera désorbité grâce à un système de contrôle de désorbitation, IDEAS, par l'usage de deux mâts déployables.



En cas de ''réussite'' et que le principe d'équivalence est remis en question, il faudrait prendre en compte les nouvelles théories dans toutes celles déjà élaborées. La théorie des cordes pourrait être testée avec plus d'approfondissement par exemple, celle-ci supposant l'existence d'une force qui modifierait légèrement la gravité en fonction de la composition des objets.

(Crédit : CNES)
(Crédit : CNES modifié Spacemen1969)
(Jean-Yves Le Gall, Président du CNES)
(Alessandro Atzei de l'ESA)
(Sylvie Leon-Hirtz, Yves André, Allessandro Atzei, Pierre Touboul et Gilles Metris)

Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace
             (autres crédits mentionnés)
Sources : CNES / ESA / ONERA