samedi 8 octobre 2016

Thomas Pesquet Profession Astronaute / Documentaire Arte - Rencontre avec les réalisateurs Vincent Perazio et Alain Tixier


THOMAS PESQUET - PROFESSION ASTRONAUTE

Un documentaire écrit par Thomas Marlier et Vincent Perazio
Réalisé par Vincent Perazio et Alain Tixier
Coproduction : Arte France, Grand Angle Productions (2016, 90min)

Diffusion : Mardi 15 novembre 2016 à 20h55 sur Arte


En novembre 2016, l'astronaute français Thomas Pesquet partira en mission sur la station spatiale internationale. Il a été choisi parmi des milliers de candidats. 

En quelques mois, il doit se métamorphoser pour assurer sa future mission. Sa préparation est une aventure quotidienne : physique, psychologique et scientifique. 

Pour mener à bien sa mission, rien n’est laissé au hasard et les entraînements sont extrêmes. 

Durant un an, les réalisateurs Vincent Perazio et Alain Tixier ont suivi Thomas Pesquet pour saisir les innombrables compétences mobilisées pour qu’un humain franchisse les limites de l’atmosphère et pour comprendre ce que signifie être astronaute aujourd’hui. 

Ils nous permettent ainsi de nous rapprocher de ces êtres exceptionnels et de vivre un petit bout de l’aventure à leurs côtés.
(Arte)


Le film a été projeté lors du Festival International du Film Scientifique Pariscience 2016 le 8 octobre dernier devant un public enthousiaste en présence de l'astronaute Jean-François Clervoy et des réalisateurs Alain Tixier et Vincent Perazio, puis une projection presse a eu lieu lundi 10 octobre au siège d'Arte en présence de Claudie Haigneré, avec encore le réalisateur Alain Tixier, de Lionel Suchet du CNES et du producteur. Et Thomas Pesquet était en direct par téléphone pour répondre à nos questions.



Je vous conseille plus que vivement de regarder ce magnifique documentaire. 
Il est totalement inédit dans sa façon d'être (je crois bien que c'est la première fois qu'un documentaire se focalise autant de temps sur l'entraînement), et aussi très intéressant au niveau du travail et de la différence qu'il y a entre les russes et les américains (ah, les fameux examens russes en présence du public). 
Il ne sera à rater sous aucun prétexte puisqu'il sera diffusé deux heures avant le décollage de Thomas. Il est vraiment excellent (et je ne dis pas ça parce qu'on me voit dedans une petite seconde).

Voici une interview croisée des deux réalisateurs Vincent Perazio et Alain Tixier.

Qui êtes-vous Vincent Perazio ? Et pour quoi avoir choisi ce métier ?
Je suis réalisateur de films documentaires et de reportages depuis une quinzaine d'années.


Je ne sais pas si j'ai choisi ce métier ou si ce métier m'a choisi, mais disons qu'une fois qu'on y goûte, il est difficile de s'en détacher. Pour des raisons simples : les rencontres, l'immersion dans des situations ou des domaines que l'on n'imaginait pas, la mise en forme de ces découvertes, une façon d'observer et de rendre compte (du moins essayer) du monde et des activités humaines.

Par exemple, lorsque le producteur Guillaume Peres me parle de ce projet, je connais quasiment rien à l'univers spatial. Je n'en ai qu'une connaissance très succincte. et c'est à ce moment-là que cela devient passionnant. Il faut s'immerger, apprendre, écouter, regarder et surtout ressentir...

Qui êtes-vous Alain Tixier ? Et pourquoi avoir choisi ce métier ?
Diplômé de l'écoule de journalisme en 1970, et après avoir travaillé à la Tribune de Genève,je suis devenu réalisateur de télévision, cela fait plus de 35 ans !

J'ai réalisé nombre de documentaires et émissions (environ 150 toutes chaînes confondues). J'ai été pendant 20 ans réalisateur de l'émission Ushuaïa et parallèlement, j'ai fais beaucoup de films scientifiques ou de films d'expéditions à caractère scientifique.
J'ai aussi commis un long-métrage pour le cinéma, ''Bonobos'' sorti en France en 2011 et distribué avec succès aux Etats-Unis et dans une dizaine d'autres pays...


Par goût personnel, j'ai souvent filmé des exploits aériens extrêmes, ce qui m'a mis en contact avec les premiers cosmonautes français (souvent pilotes de chasse).
Ayant côtoyé pendant 25 ans, Chrétien, Baudry, Tognini, Clervoy, C. et J.P Haigneré (entre autres), pour réaliser les films du CNES, je me suis ainsi passionné pour l'aventure spatiale.
Mission Cassiopée pour le CNES (cliquez sur ce lien en jaune pour voir ce film)

Je crois avoir choisi ce métier de réalisateur de terrain pour ce qu'il offrait en aventures, en voyages et en rencontres humaines de toutes sortes.

Combien de temps a duré le tournage de ce documentaire et pourquoi avoir accepté de le réaliser ?
Vincent P : Le tournage s'est étalé sur environ 8 mois. Alain Tixier a suivi Thomas Pesquet en Russie et je me suis occupé des autres tournages, essentiellement à l'EAC à Cologne et aux Etats-Unis.
J'ai donc pris part à ce projet pour les raisons évoquées précédemment. Cette envie de découvrir un milieu qui m'était totalement étranger mais qui, évidemment, fascine.

Mais j'avais aussi quelques inquiétudes. De nombreux films et documentaires ont été réalisés sur ce thème et il est difficile de se démarquer.
Il y a également les contraintes qu'imposent les diverses agences spatiales et restreignent, de façon compréhensible, l'accès à cette préparation. Mais pour revenir à la question initiale, qui aurait refusé un tel projet malgré les questions qui se posent au moment où il s'engage ?

Alain T : Ce tournage a duré environ quatre mois entre février et juillet 2016. Il s'est déroulé en partie à Houston (NASA), ) Cologne (ESA) et surtout à Moscou (Cité des Etoiles, Tsoup et RKK Energia).

J'ai proposé, il y a deux ans, un projet de 90' pour ARTE concernant l'actualité et le devenir proche de la conquête de l'Espace. Gran Angle Productions et Arte ont souhaité en faire deux documents de 90' dont l'épine dorsale serait le vol de l'équipage de Thomas Pesquet à bord de l'ISS.

''Profession Astronaute'' que vous avez vu lundi est le premier volet. Le second va profiter des expériences scientifiques menées à bord de l'ISS pour nous entraîner vers de nouvelles perspectives : préparation physiologique et psychologique aux vols habités de longue durée - retombées médicales, technologiques et sociétales sur notre quotidien - mise au point de moyens de propulsion, de robotisation et de supports vie pour l'exploration interplanétaire.
Je ne pouvais qu'accepter, ce domaine fait partie depuis longtemps de mes centres d'intérêt.

ndlr = Vincent Perazio parle de la durée totale de tournage (début et fin, montage, etc...) et Alain Tixier parle de la durée totale des prises de vues qui est, elle, différente de la durée du tournage.

Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans le métier d'astronaute ?
Vincent P : Je n'ai pas été surpris mais davantage impressionné.
Même sans connaissance particulière du milieu, on se doute bien que les compétences exigées chez un astronautes sont importantes, et que son emploi du temps est chargé. On s'en doute mais on ne réalise pas. Mais une fois que l'on commence à traiter avec des agences spatiales et que l'on rencontre l'astronaute, là, on saisit rapidement le degré d'implication induite par cette préparation et les capacités d'apprentissage requises. Je les ai trouvé vraiment colossales.

Je considère ces personnes comme exceptionnelles dans le sens où elles combinent des compétences diverses à des niveaux élevés : capacité physiologique, stabilité psychologique et émotionnelle, force d'apprentissage...
Elles vivent également cette préparation dans un cadre très contraint et très intense. Leur programme est quasiment minuté sur plusieurs mois. Par exemple, Thomas finissait sa semaine le vendredi soir à Houston par une séance de dissection de souris pour une expérience et commençait le lundi matin à 08h00 à la Cité des Etoiles une séance de simulateur sur Soyouz.
Ses journées sont d'une grande densité. et donc, quand il nous accorde une heure ou deux de son temps en dehors de son entraînement, c'est un vrai cadeau qu'il nous offre...

Alain T : La surprise n'est plus le mot exact : je fréquente ce milieu depuis 25 ans.
Par contre, je suis toujours impressionné par ces hommes et ces femmes aux personnalités attachantes : attachantes par leur simplicité, leur niveau de compétence et la dimension de leurs rêves.
Ce ne sont pas des héros de SF à mes yeux mais des êtres complets.

Qu'est-ce qui a été le plus ''difficile'' à réaliser dans ce documentaire ?
Vincent P : Le plus difficile a été de faire avec les contraintes imposées par les agences spatiales pour réussir néanmoins à retransmettre ce qu'implique cette préparation.
Par exemple, tout ce qui est de l'ordre du médical est inaccessible. Cela se comprend. Mais cette contrainte interdit par exemple de filmer un astronaute en train de courir sur un tapis parce qu'il peut y avoir une donnée physiologique qui apparaît sur la machine.
Donc le plus difficile a été de trouver une cohérence à l'histoire pour éviter qu'elle ne soit une juxtaposition de moments qui nous sont ''accordés''.

L'objectif était également de mettre en perspective cette préparation. Qu'elle prenne sens. Car rien n'est évidemment laissé au hasard. Chaque exercice ou test a une raison, qu'elle soit pratique et, parfois, historique. Enfin, je voulais qu'on ressente cette ''densité'' de la préparation.

Alain T : Le plus difficile a été l'accès aux différents centres d'entraînement.
Les choses sont différentes depuis quelques années : avant, il était possible de tourner très facilement à Houston ou à la Cité des Etoiles. Maintenant, on sent une certaine tension et les services de Com ne distribuent plus les autorisations qu'au compte-goutte et sous haute surveillance.
Cela est certainement dû au fait qu'Américains, Européens et Russes travaillent sur les mêmes projets, mais dans un contexte géopolitique un peu délicat.

Aimeriez-vous vous-même aller dans l'espace et pourquoi ?
Vincent P : Pour ce tournage, j'ai eu la chance de faire un vol Zéro g. J'ai donc goûté ce moment extraordinaire où l'on ne sent plus le poids de son corps.
Jean-François Clervoy, qui a pourtant effectué trois missions spatiales, disait qu'il se rappellerait toute sa vie de cette première fois. Je le comprend : ce dixième de seconde où, soudain, on se met à flotter est à jamais unique.

Tout ça pour dire qu'évidemment j'aimerais encore ressentir cette sensation et aller dans l'espace. Pour flotter. Pour voir la Terre comme un petit vaisseau miraculeux au milieu de l'univers. Pour voir aussi le ''noir'' spatial.
Mais c'est une sorte d'absolu. Parce que je ne m'imagine pas coincé dans le Soyouz oupasser de longues semaines dans la station. Il doit être difficile de supporter cet intérieur assez inhumain où tout n'est que câble ou matériel électronique. Et puis, il faut être aussi honnête : je serais bien en peine de suivre la préparation...

Alain T : La réponse est oui, bien sûr !
Physiquement, je pense que j'en aurais les compétences : j'ai volé dans les pires conditions acrobatiques (avions de chasse, de voltige, Zéro g) et je ne suis pas sujet ai mal dit de l'espace.
Par curiosité intellectuelle aussi : l'accès à l'espace me semble être la prochaine grande aventure humaine et ma vie a toujours été tournée vers l'aventure (celle qui fait que l'on découvre de nouveaux champs d'intérêts et de connaissances).

Nous sommes faits pour appréhender notre environnement proche ou lointain, malheureusement l'accès à l'espace coûte encore trop cher et seules quelques personnes peuvent en profiter. Les gens de ma génération ne pourront qu'en rêver, hélas !
En réalisant des films sur l'aventure spatiale, j'ai la chance de toucher ce rêve du bout du doigt.

Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace
Merci à Arte France, Guergana (DR) ainsi que Vincent Perazio et Alain Tixier

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