Voir l'article sur la conférence Annonce des vols en apesanteur pour le grand public (cliquer sur le lien en jaune).
Le Commandant de Bord des vols pour le grand public sera Eric Delesalle, pilote d'essai expérimenté et qui a effectué plus de 4 500 paraboles à bord de l'Airbus Zero G qui sera utilisé.
(Eric Delesalle à la conférence du 4 décembre au siège du CNES) (Crédit Photo : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace) |
Interview réalisée en décembre 2012
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Eric DELESALLE et j’ai 55
ans
Je suis marié et j’ai 3 enfants
Ingénieur de l’Ecole de l’Air (promotion
EA 1977)
Ingénieur Sup’Aéro (promotion 1989)
7000 heures de vol sur 80 types d’avion
différents
4500 paraboles en A300 ZeroG
Brevet de pilote de chasse
Licence ATPL (Pilote de ligne)
Brevet de pilote d’Essais Expérimental
(EPNER 1989-1990)
SEP, qualification montagne Roues et
Skis (et propriétaire d’un D140E Mousquetaire !)
Diplôme universitaire en Facteurs
Humains
Activité professionnelle principale :
Directeur des Essais en Vol d’ATR
Activité secondaire : consultant en
Aéronautique
A quand remonte votre intérêt, votre passion pour le monde
aéronautique ?
A 18 ans, j’étais attiré par les matières
scientifiques, les mécaniques performantes et les grands espaces : l’Aviation
fût donc une révélation permettant de marier ces trois centres d’intérêt.
Après mon bac, j’ai intégré l’Ecole des
Pupilles de l’Air à Grenoble en classes Prépa à l’Ecole de l’Air, puis salon de
Provence en sept 1977.
Qu’est ce qui vous a attiré pour accepter de devenir pilote de
l’Airbus A300B Zero G ?
En 1996, la Caravelle ZeroG du CEV est
remplacée par le prototype 003 de l’A300B ; le chantier de modification est
confié à EADS SOGERMA dont je suis à l’époque Directeur des Essais en Vol.
C’est donc à mon Département qu’est
confié le premier vol de l’A300B 003 F-BUAD pour ouvrir un nouveau chapitre de
sa carrière, après des essais moteur et le développement des commandes de vol
électriques sur Airbus, en vue de l’A320.
Après la réception industrielle de
responsabilité SOGERMA, l’avion est confié au CEV pour la qualification de la
manœuvre parabolique, puis commence sa carrière opérationnelle en micro
gravité.
Assez naturellement puisque nous
connaissons bien l’avion, mon Mécanicien navigant d’Essais Serge GRANEREAU, et
moi-même, sommes intégrés aux équipages du CEV, et c’est là que je découvre la
passionnante aventure de la micro-gravité.
Quand en 2003, je suis appelé à prendre
la Direction des Essais en Vol d’ATR, j’accepte avec plaisir la demande de
Novespace de rester pilote de l’Airbus ZeroG, que je continue à piloter
ponctuellement en accord avec la Direction d’ATR.
Quelles particularités rencontre-t-on dans le pilotage de cet
appareil par rapport aux autres appareils que vous pilotez ?
Le pilotage de l’A300 ZeroG est
passionnant, car contrairement à la tendance actuelle, tout est réalisé
manuellement : aucun automatisme ne vient aider l’équipage.
Pas de pilote automatique, pas
d’auto-manette, même le trim électrique de profondeur est neutralisé ainsi que
le système de restitution artificielle d’effort.
De plus, la manœuvre est très spécifique
et intéressante à réaliser car aucun paramètre de vol n’est stable : l’assiette
en tangage varie de 0 à +50°, puis passe à -45° à piquer, avant de retrouver le
vol en palier ; la vitesse indiquée varie de 340 Kt à 140 en haut de parabole,
pour ré accélérer ensuite vers 320 Kt en sortie de ressource.
La précision demandée est de 0,05g sur les
trois axes, ce qui représente une précision de quelques mètres sur la
trajectoire optimale !...
Rien de simple ni de facile, et donc
quelle belle satisfaction de réussir une belle parabole ! Avec de
l’entrainement et en atmosphère calme, nous arrivons à tenir les 0,03g.
Afin de garantir la précision, le
pilotage est réparti entre trois membres d’équipage :
· Le pilote tangage pilote le Jz à 0 ;
· Le pilote latéral garde les ailes
horizontales, et dirige la manœuvre par des annonces précises aux différents
points-clés de la parabole ;
· Le mécanicien navigant ajuste la
position des manettes de puissance pour avoir un Jx nul.
En tant que pilote, vous ne ‘’vivez’’ pas l’apesanteur de la même
façon que les personnes à bord. Cela n’est pas un ‘’peu frustrant’’ de ne
pouvoir flotter librement ?
(Crédit Novespace d'après un film de présentation) |
Pour la sécurité et la précision du
pilotage, les pilotes sont sanglés fermement sur leur siège, et la perception
est bien sûr différente du « free-floating » dans la cabine ; il reste
cependant la perception « aux fesses » du facteur de charge qui aide à la
réalisation de la parabole.
Mais aucune frustration, car la
satisfaction est ailleurs, dans le succès à garder l’indication de
l’accéléromètre au plus près du zéro !
Et puis, nous sommes trois pilotes dans
l’avion lors d’une mission standard, et chacun dispose donc d’un peu de temps
au cours du vol pour aller dans la cabine et partager avec nos passagers
l’enthousiasme de l’apesanteur.
Ces passages en cabine sont très
importants pour bien comprendre la problématique des expériences et soigner le
confort des expérimentateurs ; c’est ainsi que le pilote comprend par exemple
la nécessité d’une transition souple lors de la ressource.
Vous-même, aimeriez-vous aller dans l’espace ? Et pourquoi ?
J’ai tenté la sélection spationaute en
1990, où ma candidature a résisté jusqu’à la short-list des huit finalistes.
J’étais alors à l’EPNER, et le projet de
navette spatiale Hermès m’intéressait particulièrement.
Je ne fus pas retenu (Hermès non plus
!), mais mon rêve reste à jamais de réaliser une sortie extravéhiculaire, seul
dans l’éther, en orbite autour de notre belle planète, dérivant à plusieurs
milliers de Km/h…
Dessine-moi un mouton…
(Eric Delesalle à la conférence du 4 décembre au siège du CNES avec Jean-François Clervoy) (Crédit Photos : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace) |