lundi 17 septembre 2018

14 septembre 2018 - Conférence de presse Exploration au CNES - Hayabusa 2 / Mascot


Ce vendredi 14 septembre 2018, au siège du CNES à Paris, se tenait une conférence de presse spéciale consacrée à l'exploration spatiale et plus particulièrement sur les prochaines missions auxquelles le CNES et la France sont impliquées directement :

- Mission Hayabusa 2 / MASCOT
- Mission Bepi Colombo (cliquez ICI)
- Mission Insight (cliquez ICI)
- L'exploration future (cliquez ICI)

La conférence a été ouverte par Jean-Yves Le Gall, Président du CNES et par Jean-Louis Monin, responsable du programme Science, Micropesanteur et Exploration au CNES.


La particularité de cette conférence était la présence de presque tous les responsables des programmes concernés et leur accessibilité directe pour pourvoir discuter librement de ces missions.

Pour la mission Hayabusa 2 / MASCOT, ce sont Aurélie Moussi, chef du projet MASCOT au CNES, Sébastien Barde, sous-directeur chargé des missions scientifiques au CNES, et Jean-Pierre Bibring, PI (Principal Investigator de l'instrument MicrOmega) qui étaient présents pour répondre à nos questions et interrogations.

Retrouvez l'interview d'Aurélie Moussi accordée à Space Quotes - Souvenirs d'espace en cliquant ICI.


La mission Hayabusa 2 / MASCOT

Cette conférence nous a donné les derniers éléments de cette mission qui va voir se poser l'atterrisseur MASCOT à la surface de l'astéroïde Ryugu le 3 octobre prochain.

Mais avant, revenons quand même sur cette mission...

La mission Hayabusa 2 (Faucon Pelerin 2) fait suite à la première mission Hayabusa, qui a été lancée en mai 2003 vers l'astéroïde Itokawa dont elle a ramené quelques grains de poussières en juin 2010.
<< La première mission Hayabusa n'a ramené que 1 500 grains environ, nous en espérons des dizaines de milliers avec Hayabusa 2 >> Jean-Pierre Bibring ce 14 septembre.

Elle a trois objectifs :

1) Caractériser Ryugu à distance depuis Hayabusa
2) Caractériser Ryugu in-situ grâce aux instruments de l'atterrisseur MASCOT
3) Prélever des échantillons et les ramener sur Terre

Grâce aux analyses sur place, directement sur Ryugu, il sera alors possible, pour la première fois de vérifier et comparer les échantillons qui seront revenus sur Terre et ceux sur place.

Hayabusa 2 a été lancée le 3 décembre 2014 depuis le Japon - la mission est principalement japonaise, mission a laquelle participe le CNES et la DLR pour certains instruments.


Elle a fait route vers le géocroiseur Ryugu - cet astéroïde de type C (c'est-à-dire de type carboné comme rencontré dans 75% des astéroïdes que l'on connaît) a été découvert en 1999 (il s'appelait alors 1999 JU3) dans le cadre du programme d'observations et de surveillance des géocroiseurs LINEAR (Lincoln Near-Earth Asteroïd Research).
Ce type d'astéroïde a normalement une composition chimique proche du système solaire primitif et ils n'a a priori pas subi de transformation majeure depuis sa création, d'où son intérêt.
Il est baptisé ainsi en hommage au Ryugu-Jo qui est le palais sous-marin de Ryujin, le dieu dragon de la mer dans la mythologie japonaise.

Pour atteindre cet astéroïde à plusieurs millions de kilomètres de la Terre, Hayabusa 2 aura bénéficié d'une assistance gravitationnelle avec la Terre en repassant au plus près de la Terre le 3 décembre 2015.

Le 24 juin 2018, elle se trouvait à 40 km environ.


(le 27 juin à 22 km)
(le 25 juillet à 6 km)

Le 14 août 2018, les équipes se sont réunies au CNES à Toulouse pour passer le point d'atterrissage de MASCOT, ce sera la zone d'atterrissage MA-9 qui est annoncée le 24 août.



Les dernières mesures lui donne une longueur d'environ 875 mètres et une vitesse de rotation sur lui-même de 7,63 heures.
La gravité y est 100 000 fois inférieure que sur Terre (c'est à dire 0,1 g pour 10 kg). Et il a un albedo vraiment très faible : 0,047.

Le 9 septembre, la première tentative de descente vers Ryugu a eu lieu pour faire un ''test de répétition générale'', mais à cause de la très faible réflexion du sol, le LIDAR (voir plus bas) n'a pas pu faire les mesures d'altimétrie prévue.
<< Un mauvais réglage des paramètres du LIDAR ont empêché cette manoeuvre - maintenant, le problème a été trouvé, compris, et corrigé. Il ne faut pas oublié que Ryugu est très sombre, bien plus sombre que du charbon. >> Jean-Pierre Bibring ce 14 septembre.

Puis les 20/21 septembre vont avoir lieu le largage des Minerva pour analyse au sol avant le largage de MASCOT pour un atterrissage prévu le 3 octobre.

On va ''rapidement'' parler des instruments emportés par la sonde avant de s'attarder un peu plus sur MASCOT qui doit se poser sur Ryugu dans quelques jours, le 3 octobre.

La sonde en elle-même pèse 600 kg dont 100 kg d'ergols et elle est assez semblable à la première Hayabusa - elle mesure 1,00 m x 1,60 m x 1,25 m. On lui a ajouté une antenne grand grain, une roue à réaction supplémentaire, des moteurs ioniques plus performants et bien sûr MASCOT ainsi que trois petits rovers, les Minerva.

Elle possède 3 caméras ONC (Optical Navigation Camera), un spectromètre proche de l'infrarouge, un Imageur Thermique Infrarouge et le LIDAR qui est un altimètre laser.

Le système de collecte d'échantillons est composé d'une part d'un petit impacteur SCI (Small Carry-on Impactor) de 18 kg qui comprend une charge explosive et le tout va être accéléré pour qu'une masse de 2 kg atteigne 7 200 km/h (2 km/s) en touchant le sol faisant ainsi (selon les prévisions) un cratère d'impact de 2 mètres de diamètre, et ce impact va soulever de la poussière et aussi espère t-on des morceaux du sol de Ryugu, que la sonde va collecter grâce à son collecteur en forme de cône lors d'un rase-motte soigneusement calculé.
Le système de collecte possède aussi 1 caméra déployable DCAM. Mesurant 6 x 4 cm, elle sera larguée juste avant l'impact pour le filmer à une vitesse de 1 image/s.

Pour les spécificités de ces instruments, je vous laisse vous reporter sur le site de la JAXA dédié à la mission en cliquant ICI (site JAXA de la mission).

Il y a également 3 mini-rovers, les Minerva (A, 1B, 2) - ils ont la forme d'un cylindre à 6 faces - qui vont être largués sur la surface entre le 20 et 21 septembre, c'est à dire maintenant !
Il mesure chacun 7 cm de haut pour un diamètre de 17 cm et un poids entre 1,5 et 2,5 kg. Chacun des rover possède des tout petits moteurs qui permettront un déplacement parabolique grâce à la très faible gravité de Ryugu.
Ces rovers sont munis d'un thermomètre et de plusieurs caméras et vont partir ''en éclaireur'' de MASCOT afin de vérifier que tout est bon pour son largage et atterrissage grâce à des observations in-situ (notamment la dureté du sol et sa température).

(Crédit : JAXA)

Si tout se déroule comme prévu, la sonde Hayabusa quittera Ryugu en décembre 2019 pour faire route vers la Terre puis la récupération des échantillons devrait avoir lieu en décembre 2020.

Les agences spatiales japonaises, allemandes et françaises ont impliqué le grand public dès avril 2013 en leur demandant de faire parvenir des messages, dessins, noms lors d'une campagne appelée Le Petit Prince ! Million campaing 2 ! et tous ceux reçu font maintenant partie du voyage d'Hayabusa 2.


Puis en 2018, un concours de dessins était organisé par le CNES ''Dessine-moi l'astéroïde Ryugu''. Plusieurs catégories (âge, humour, réalisme) et les résultats ont été annoncés en août. Bravo aux lauréats (vous pouvez voir les dessins gagnants en cliquant ICI).
A titre personnel, je suis très content que deux demoiselles que je connais très bien aient emporté un prix (Clémence, 8 ans et Charlyne,11 ans).
Et les prix ont été reçus cette semaine, et je peux vous dire que les deux demoiselles sont RAVIES !


Bon revenons enfin à MASCOT 😊😊😊

MASCOT (Mobile Asteroid Surface sCOuT) est donc l'atterrisseur. Il a été développé par la DLR avec la participation du CNES. Ce projet d'atterrisseur a été acté par la JAXA en 2013 et il a donc fallu aux équipes le concevoir, le construire et le tester en à peine deux ans.

Mais la DLR et le CNES ont quand même une expérience et une expertise incomparables dans ce domaine, avec la mission  Rosetta et l'atterrisseur Philae.

En forme de ''petite boîte'' de 30 cm x 30 cm x 20 cm, MASCOT ne pèse que 10 kg dont 3 de charge utile. D'ailleurs sur Ryugu, il ne pèsera que 0,1 g à cause de l'extrême faible gravité de l'astéroïde (1/100 000). Sa structure est en fibre de carbone composite et il possède un revêtement thermique extérieur multicouche MLI. L'intérieur est protéger thermiquement par un boitier en aluminium.

(modèle de test de MASCOT à l'échelle 1)
Son rôle est, une fois à la surface, d'étudier, de faire des expériences scientifiques et d'analyser in-situ la surface de l'astéroïde. Pour ce faire, il y a trois kg de charge utile qui comprennent :

- MicrOmega, un microscope infrarouge hyperspectral fourni par le CNES
- Caméra multispectrale champ large MASCAM de la DLR
- Magnétomètres 3 axes MasMag fourni par l'Université technologique de Braunschweig
- Radiomètres MARA pour étudier la température de surface et l'inertie thermique de la DLR

De plus, grâce à un système de bras télescopique, appelé mécanisme de mobilité, MASCOT sera capable de changer de position, de se retourner, afin de faire des analyses sur au moins deux sites différents, espacés de quelques mètres. Ainsi bien sûr, qu'un ordinateur qui transmettra via deux antennes sur les côtés les données recueillies à la sonde Hayabusa 2.

La durée de vie de MASCOT est très courte, pas plus de 12 à 15 heures, car il n'a qu'une seule batterie.

MicrOmega, développé par l'Institut d'Astrophysique Spatiale (IAS) effectuera des analyses et mesures minéralogiques de la surface - Le PI (Principal Investigator) de cet instrument est Jean-Pierre Bibring.

Cet instrument de 2 kg, dont je ne peux vous détailler le fonctionnement complet (car c'est très compliqué à retranscrire à mon niveau) va permettre grâce aux ondes émises par ce microscope de déterminer à l'échelle microscopique la composition minéralogique de la surface.
Ce sera la première fois que la surface d'un astéroïde sera ainsi analysée.

L'atterrissage est donc prévu pour le 3 octobre. 3 sites ont été sélectionnés afin qu'il n'y ait pas d'erreur et de confusion (notamment entre MASCOT et le marqueur au sol de l'impacteur) :

- un site pour les Minerva
- un site pour la collecte d'échantillons
- un site pour MASCOT

Ce sera donc le MA-9 pour MASCOT. Ce site est dans l'hémisphère sud, et il remplit de manière satisfaisante les choix et les conditions des scientifiques, comme le point de vue thermique (pas trop chaud, pas trop froid), l'illumination (si trop à l'ombre ce n'est pas bon), et la transmission des données à Hayabusa.

Mais il faut savoir que MASCOT mettra environ 2 heures pour descendre et se stabiliser après beaucoup de rebonds.

Lors de cette conférence de presse de ce 14 septembre, voici les dernières nouvelles de la mission :

- << Pour l'instant, il n'y pas encore d'endroit défini où l'on peut dire que va se poser sans difficulté ! >> Jean-Pierre Bibring

- << Il y a beaucoup de cailloux, de gros rochers à la surface. Le plus gros dans le secteur fait quand même près de 100 mètres de long. Ce n'est pas très hospitalier mais assez homgène. (...) C'est un peu inquiétant pour Hayabusa qui doit descendre à 60 mètres pour le largage... >> Aurélie Moussi

<< Pour le vote du site d'atterrissage, cela c'est fait à l'unanimité ! D'abord 10 sites de présélectionnés dont celui qui avait notre préférence, puis 6 puis 3 et il restait toujours notre site préféré ! >> Aurélie Moussi

<< Mais s'il s'avérait qu'au dernier moment, on doive changer de site, il y en a un de remplacement dans l'hémisphère sud près de l'équateur. >> Aurélie Moussi

<< Grâce à MicrOmega, nous pouvons étudier et analyser les grains d'échantillons in-situ sans les ''détruire''. Nous pouvons faire exactement la même chose sur Terre au retour. La JAXA est très impressionné par notre instrument et il y a de fortes probabilités que nous examinions et analysions les échantillons ramenés sur Terre avec notre instrument MicrOmega dans un laboratoire japonais, et pourquoi pas ailleurs ! Jusqu'à présent, les analyses d'échantillons extra-terrestres étaient toutes destructives par un bombardement de faisceaux, etc... MicrOmega balaye sans bombarder, sans détruire ! >> Jean-Pierre Bibring



Crédit : Stéphane sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace
Crédit : Clémence et Charlyne
Crédit et sources : JAXA, CNES, DLR

Remerciements : CNES / Aurélie Moussi, Sébastien Barde et Jean-Pierre Bibring

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