mercredi 25 août 2010

Interview de Fred HAISE, astronaute de la mission Apollo 13 et Commandant de 3 vols ALT-Enterprise



Fred W. Haise est un pilote d'essai civil travaillant pour la NASA avant d'être sélectionné comme astronaute dans le Groupe 5 de la NASA en 1966.

Il effectue une mission spatiale : Apollo 13.
Il devait marcher sur la Lune, mais un grave incident lors du trajet Terre-Lune faillit tuer l'équipage. Il n'y eut pas d'alunissage et le sauvetage des astronautes par l'équipe au sol et les astronautes eux-mêmes, restera dans toutes les mémoires.
L'incroyable mission Apollo 13 a été porté à l'écran par Ron Howard en 1995 et devint un véritable succès.

Après Apollo 13, Fred Haise s'occupa du programme Shuttle, notamment des vols ALT-Enterprise.
Il commanda 3 des vols libres d'Enterprise, dont le 1er le 12 août 1977.
Suite aux retards du programme navette, il quitta la NASA sans avoit la chance d'effectuer un 2ème vol spatial.
Il quitte la NASA en 1979. Il reste l'un des astronautes les plus mythiques du programme Apollo.

Interview réalisée le 8 mai 2010 à Birmingham lors d'Autographica.
Interview réalisée conjointement avec le Cosmopif de l'ami Pierre-François Mouriaux (Pif) : http://www.cosmopif.com/
(Merci à Simon, pour la traduction et la transcription)

Pourquoi vouliez-vous devenir un astronaute ?
Je n’ai pas grandi en voulant devenir astronaute.
Je suis d’abord devenu pilote puis pilote d’essai.
Au départ, je n’avais pas du tout les qualifications pour être astronaute lorsque la sélection des astronautes Mercury a eu lieu.
Je suis donc allé à Edwards et c’est une période de ma vie que j’ai adoré.

J’étais franchement un peu dubitatif quant au programme spatial américain car on ne savait pas ce qui viendrait après Mercury.
Les objectifs futurs de l’exploration spatiale n’étaient pas très clairs. Lorsque l’annonce du programme Apollo a eu lieu, l’idée d’aller sur la Lune m’a vraiment emballé et m’a convaincu de laisser de côté le pilotage et les essais en vol pour rejoindre le groupe des astronautes.

Comment avez-vous appris la nouvelle sélection d’astronautes ?
J’étais déjà un employé de la NASA depuis environ 7 ans, en tant que pilote d’essai.
Je n’avais donc qu’à remplir un dossier de candidature de la NASA que mon chef devait signer ainsi que d’autres personnes qui me recommandaient pour ce travail. Une fois le dossier constitué, j’ai suivi le processus de sélection comme les autres candidats.

Quelle a été votre réaction quand vous avez compris que vous ne pourriez pas vous poser sur la Lune ?
J'ai été très triste - nous avons été très tristes Jim et moi ... Mais c'est surtout après avoir contourné la Lune que j'y ai un peu plus pensé, et j'était triste.. L'avant-Lune et la phase retour ont un été très intense niveau travail, fatigue. J'étais très fatigué, mais il fallait quand même rentrer à la maison ...

Qu'est-ce qui a votre avis fait le ''succès'' de votre mission ? Tout s'est bien terminé quand même ...
Oui, bien terminé ... c'est plusieurs facteurs qui sont le résultat de ce succès : une brillante équipe au sol avec des gens habiles et compétents, dirigée par les bonnes personnes, et qui n'avaient qu'un seul but : nous ramener sains et saufs ... Quand on sait que ces gens là sont avec vous, on peut croire au miracle, et faire notre job ... c'est ce que nous avons tous fait.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
R : Le tout premier vol libre (atmosphérique) de la navette Enterprise est probablement le vol dont je suis le plus fier. Même s’il y a eu un incident à bord, ça ne nous a pas vraiment pénalisé durant cet essai.
Un ordinateur de bord s’est arrêté juste au moment de la séparation (entre Enterprise et le Boeing porteur), mais les trois autres ordinateurs ont éliminé celui qui fonctionnait mal et le contrôle de notre engin n’en a pas été affecté.
Ce fut donc un succès total. 
D’ailleurs, l’intégralité des 8 vols habités (3 portés + 5 libres) d’essai atmosphérique de la navette, puisqu’elle redevient un avion lors de la rentrée dans l’atmosphère, a été un grand succès.

Vous rappelez-vous des séparations entre le Boeing et la navette ?
Oui, c’était plutôt simple mécaniquement.
Avant les vols ''libres'' de la navette, nous avions réalisé 3 vols où la navette restait accrochée sur le dos du Boeing où nous avons déterminé les meilleurs profils de vol ''captif'' afin d’assurer le bon déroulement de la séparation.
Nous étions donc déjà arrivés à cette dernière étape (high gantry) plusieurs fois avant et cela a été plutôt simple et direct lors du premier vol libre : après l’accord avec le 747, j’ai appuyé sur le bouton de séparation qui a mis à feu les boulons explosifs (qui nous retenaient) et nous étions partis !

Avez-vous un avion ou un objet spatial favori ?
Concernant les chasseurs, mon préféré est le F-86 Sabre que j’ai longtemps piloté.
Je n’ai pas beaucoup piloté de bombardiers, le seul à mon tableau étant le B-57 qui était de conception britannique.
J’ai aussi piloté quelques avions de transport, notamment le B747, le B707 mais mon préféré reste le ''vieux'' DC3 qui était très fiable et qui pouvait voler par tout temps, y compris les conditions givrantes sévères. Certains de ces avions sont encore en état de vol, pour un avion conçu dans les années 30 !

Quel est l’évènement spatial qui vous a le plus marqué, en général ou dans le Mission Control ?
Je n’ai pas vraiment en tête d’événement qui m’a bouleversé.
Les vols d’Enterprise ont été de grands moments car j’en étais un des pilotes d’essai.

J’ai aussi été Capcom durant Apollo 14 et c’était pour moi l’occasion de mettre à profit mon entrainement d’Apollo 13 pour aider Ed Mitchell et Al Shepard lorsqu’ils étaient sur la lune à l’endroit exact où nous étions censés alunir sur 13.
J’étais très au courant de ce qu’ils auraient à faire et je ne sais pas si j’ai été au final très utile mais j’ai pu au moins ''rentabiliser'' un peu l’entrainement dédié à la surface lunaire que nous avions eu pour Apollo 13, afin qu’il n’ait pas servi à rien.

De manière générale, j’ai aussi vécu de très bons moments en dehors de Mission Control lorsque nous étions en contact avec les gens extérieurs lors des différents essais du vaisseau.
C’était un programme spatial gigantesque et nous étions amenés à travailler avec beaucoup de personnes.
Par exemple, lors des entrainements, nous avons effectué des tests en chambre à vide avec les vaisseaux entiers ou juste ''nous'', pour vérifier le fonctionnement des ''sacs à dos'' des scaphandres.
Nous étions accrochés à des suspensions car ces derniers étaient trop lourds à porter sur Terre.
Tous ces essais de matériel nous ont donc permis de partager de grands moments avec le personnel de la NASA et ses sous-traitants et l’ensemble reste un grand souvenir humain pour moi.

Vous rappelez-vous de la soirée des premiers pas sur la Lune ?
Oui, comme j’étais membre de l’équipage de réserve pour cette mission, la tradition voulait que nous allions, durant les phases critiques du vol, au domicile de l’astronaute dont nous étions la doublure.
J’étais donc ce soir là au domicile de Buzz Aldrin. C’est ce que fait l’équipage de réserve durant un vol afin d’assister les familles, à moins qu’il y ait une urgence, auquel cas il se rend au Mission Control pour aider.
J’ai donc regardé les premiers pas de l’homme sur la Lune à la télévision (rires).

Qu’attendez-vous des programmes spatiaux dans le futur ?
Je n’ai franchement pas vraiment d’idée sur ce qu’il va se passer à l’avenir, car les programmes spatiaux des Etats-Unis ou des autres états de la planète dépendent des budgets qu’on leur alloue.
Et comme je ne suis pas dans le monde politique qui prend ces décisions, je ne peux rien affirmer.
Cependant, je rêverais de voir l’exploration lointaine habitée se développer, notamment avec des stations sur la Lune et sur Mars.
La Lune offre un point d’observation unique puisque l’atmosphère et le champ magnétique y sont très faibles : cela peut être très utile pour y implanter des télescopes.
L’exploration de Mars est l’étape suivante et ce sera probablement la seule planète que nous pourrons visiter dans notre système solaire compte tenu des moyens actuels de propulsion.
Mais si une percée dans ce domaine a lieu, pourquoi ne pas aller visiter une exo-planète viable !

Quelle est votre opinion sur le film Apollo 13 réalisé par Ron Howard ?
Je trouve que c’est un bon film ! L’équilibre est bien trouvé entre les scènes de vol et les scènes au sol.
On y voit bien tous les efforts qui ont été fait au sol pour nous ramener vivants sur Terre.
Et très bonne fin hollywoodienne !
(Sortie d'une édition commémorative en 2010 pour les 15 ans du film et 40 ans d'Apollo 13)

Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
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