lundi 25 août 2014

Disparition de l'astronaute Steven R. Nagel (1946 - 2014)


Steven R. Nagel nous a quitté ce 21 août à l’âge de 67 ans.


Né dans l’Illinois, Steven Nagel passe une licence d’ingénierie aéronautique et aérospatiale. Dans le même temps, il est affecté comme élève-pilote dans la réserve de l’US Air Force (programme conjoint université-armée très fréquent aux Etats-Unis / ici l’AFROTC = Air Force Reserve Officer Training Corps).
Il obtient ses ailes de pilote, entre dans l’US Air Force active en février 1970 puis commence sa formation comme pilote sur F-100. Entre 1970 et 1975, il sera pilote de chasse, de reconnaissance, et instructeur, notamment sur A-7D.

En 1976, il est affecté comme pilote d’essais à Edwards et volera sur F-4 et A-7D.

En 1978, il est sélectionné par la NASA comme pilote de navette dans le fameux Groupe 8.

Il effectuera 4 missions spatiales :

-  STS-51G du 17 au 24 juin 1985 comme Mission Specialist (mission à laquelle participait Patrick Baudry).
-   STS-61A du 30 octobre au 6 novembre 1985 comme pilote
-   STS-37 du 5 au 11 avril 1991 comme Commandant
-   STS-55 du 26 avril au 6 mai 1993 comme Commandant

Lors de ses 4 missions, Steven Nagel aura passé 723 heures dans l’espace.

Il aura été le premier et l’un des rares astronautes à occuper les postes de Mission Specialist, Pilote et Commandant (Precourt et Cockrell par exemple ont eu le même parcours par la suite). En 1985, les vols de navette étaient nombreux et le corps des astronautes aussi.
Il a semblé logique à la NASA de faire voler ceux qui avaient été sélectionnés comme pilote à une ‘’autre place’’ lorsque cela était possible, même si lorsque Nagel apprit son affectation à STS-51G comme Mission Specialist, il a d’abord cru que la NASA, finalement, lui refusait le statut de pilote de navette (interview postflight STS-51G).
Il vola quelques mois plus tard, toujours en 1985, comme pilote.

Il a occupé diverses fonctions au sein de la NASA et a été notamment Chef du bureau des astronautes (1991).

En 2011, il quitte la NASA (il avait quitté le corps actif des astronautes en 1995) et rejoint l’Université du Missouri de où il enseignait l’ingénierie mécanique et aérospatiale.

Steven Nagel était marié à l’astronaute Linda Godwin avec qui il a eu deux filles.

Steven Nagel avait été un des premiers invités de Space Quotes –Souvenirs d’espace en 2010.

(Lors de la mission STS-55)
(''Morning Launch'' de l'artiste Kim Poor, signé par 11 astronautes
dont Steven Nagel et Linda Godwin
)
Crédit : NASA
             Collection Space Quotes - Souvenirs d'espace
             Stéphane Sebile / Spacemen1969




mercredi 6 août 2014

6 août 2014 - La sonde européenne Rosetta en orbite autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko


Aujourd'hui mercredi 6 août 2014, la sonde Rosetta de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) s'est mise en orbite autour du noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.

Rosetta est lancée le 2 mars 2004 depuis Kourou par une Ariane 5 (158ème lancement et 1er lancement de l'Ariane 5G+) après deux reports (technique et météo).

Donc, après 10 ans 6 mois et 4 jours, elle a atteint son objectif. Pour cela, elle aura parcouru près de 6 milliards de kms et fait 5 fois le tour du soleil, traverser la ceinture d'astéroïdes.

Si Rosetta n'est pas la première mission spatiale en direction d'une comète (5 autres missions l'ont précédées), elle est la première mission spatiale de l'histoire à se mettre sur orbite autour d'un noyau cométaire. Elle se trouve aujourd'hui à 405 millions de kms de la Terre.
Jean-Jacques Dordain, directeur de l'ESA a déclaré aujourd'hui :
"Après 10 ans 6 mois et 4 jours de voyage, faisant par la même occasion 5 fois le tour du soleil, et près der 6 milliards de kms, nous sommes heureux de pouvoir déclarer ''Nous y sommes''. Rosetta est le premier vaisseau spatial de l'histoire à avoir rendez-vous avec une comète, une étape importante dans la connaissance de nos origines. Les découertes peuvent commencer"



Un petit historique

La formation du système solaire est un des éléments clés de l'astronomie et de la recherche spatiale. Les comètes sont des éléments essentiels de cette recherche et c'est pourquoi, les scientifiques les considèrent avec beaucoup d'importance à cause des éléments organiques qui composent le noyau de celles-ci. Les comètes, pour certaines, étant vieilles de plusieurs milliards d'années, on comprend aisément pourquoi leur étude est importante. Mais pour cela, il faut aller sur place, et donc envoyer une sonde.

- La première sonde envoyée vers une comète est la sonde européenne Giotto pour l'étude de la comète de Halley. Elle est lancée en 1985 pour son passage de 1986. Pour la première fois, on obtenait des photographies du noyau d'une comète.
En 1996, Giotto étant toujours active, elle croise la comète 26P/Grigg-Skjellerup à 200 km de son noyau.


- En 2001, la sonde américain Deep Space (lancée en 1998) survole la comète Borelly.


- En 2004, la sonde américaine Stardust (lancée en 1999) survole la comète 81P/Wild (Wild 2) à 236 km d'altitude. Un collecteur avec de l'aérogel capture des milliers de particules dégagées par la comète et une petite sonde est éjectée de la sonde et revient sur Terre sans problème le 15 janvier 2006. C'est le premier retour d'échantillons d'un corps spatial autre que la Lune.
En 2011, la sonde survole la comète Tempel 1 sur laquelle s'est écrasée la sonde Deep Impact en 2005.


- En 2002, la sonde américaine Contour est lancée. Elle doit normalement survoler deux comètes : Encke et 73P/Schwassmann-Wachmann. Une troisième comète était au programme : 6P/d'Arrest. Mais au moment de l'injection de la sonde autour du soleil, le contact est perdu.


- En 2005, la sonde américaine Deep Impact est lancée vers la comète Tempel 1. Le 4 juillet de la même année, elle largue un petit impacteur de 350 kg qui va s'écraser sur la comète faisant un cratère d'une trentaine de mètres et grâce à l'éjection des éléments du sol, permet l'analyse de ceux-ci par la sonde. En 2007, on modifie la trajectoire de Deep impact, afin de lui faire survoler, à 700 km d'altitude, la comète Harley 2 qu'elle rencontre en 2010.


C'est à la suite de la réussite de la sonde Giotto que les scientifiques veulent comme nouvel objectif, un retour sur Terre d'un ''morceau'' de noyau cométaire. Pour cet objectif très ambitieux, un partenariat NASA / ESA est envisagé pour la mission CNSR (Comet Nucleus Sample Return).
Puis la NASA quitte le projet et  l'ESA développe un nouveau concept sans retour d'échantillon. Rosetta est née. Nous étions en 1994.
A l'origine, deux atterrisseurs devaient équiper la sonde : Roland (développé par l'Allemagne) et Champollion (développé par le CNES et la NASA). Puis, encore une fois, la NASA quitte le bateau et on fusionne les deux projets en un seul, c'est Philae.

Rosetta doit son nom à la Pierre de Rosette découverte par Champollion (ce qui lui permit de traduire les hiéroglyphes) et Philae doit son nom au temple du même nom, qui permit, toujours à Champollion, de compléter le déchiffrages des hiéroglypes. Pour Philae, c'est une jeune italienne de 15 ans qui avait suggéré le nom.




Tout est prêt pour l'intégration en 2002.


Caractéristiques de la sonde Rosetta

La sonde est composée de deux parties : l'orbiteur (Rosetta) et l'atterrisseur (Philae)


L'orbiteur mesure 2,8 mètres de long sur 2,1 de large pour une hauteur de 2 mètres environ. Il pèse 2 970 kg (en incluant les 1 670 kg d'ergols).
Il a été conçu et fabriqué pour l'ESA par EADS Astrium et Alcatel Alenia Space.

Rosetta est dirigée par 24 moteurs-verniers de 10 newtons de poussée chacun avec 1 670 kg d'ergols.
Elle est stabilisée sur 3 axes.

Au niveau des télécommunications, Rosetta possède une antenne grand grain de 2,2 mètres de diamètre orientable.

L'alimentation électrique se fait par deux panneaux solaires de 15 mètres de long et de 64 m2 de surface totale et fournit de 450 à 8 700 watts (il faut au minimum 390 watts pour que tous les instruments fonctionnent).

Un système de régulation thermique permet à Rosetta d'avoir une température intérieur de 20°c environ.

Rosetta a une charge utile de 11 instruments (165 kg au total) :

- ALICE qui est une spectromètre imageur ultraviolet qui permet d'analyser la composition de la coma (queue), du monoxyde et dioxyde de carbone du noyau et aussi la production d'eau. Il pèse 3,1 kg.
- CONCERT qui est un sondeur radiofréquence pour l'analyse du noyau.
- COSIMA qui est un spectromètre qui analysera les grains de poussières de la comète pour voir s'ils sont organiques.
- GIADA qui mesurera le nombre, la masse, la dispersion des grains de poussières de la comète.
- MIDAS qui étudiera la la taille, la forme des particules émis autour de la comète.
- MIRO qui est un radiotélescope qui mesurera la température de la surface en montrant si celle-ci est faite de glace ou de poussières. Essentiel pour le choix d'un site d'atterrissage.
- OSIRIS qui sont deux caméras optiques haute-résolution grand champ et petit champ (résolution 4 mégapixels = ce qu'il y avait de meilleur il y a une dizaines d'années) et qui photographient de l'ultraviolet au presque infrarouge, permettant une topographie du noyau (1 mètre de résolution), déterminer la rotation du noyau, photographies de la surface, du dégazage, etc ...
- ROSINA qui est un spectromètre de gaz nobles et ionisés pour l'étude de l'atmosphère et de la ionosphère.
- RPC qui sont 5 analyseurs de plasma et de 2 sondes Langmuir, pour l'analyse de la structure de la coma interne et des propriétés physiques du noyau.
- RSI qui mesurera la masse, la gravité et la densité du noyau.
- VIRTIS qui est un spectromètre en lumière visible et infrarouge pour réaliser une carte des matières solides et leur température afin de déterminer un site d'atterrissage à Philae.


Philae est un petit atterrisseur pesant 100 kg et mesurant 1 mètre de diamètre pour 0,80 m de haut. Muni de trois pieds orientables et ajustables (pour une meilleure stabilité), il sera largué à quelques kilomètres de la surface de la comète. Les pieds sont équipés de raquettes pour éviter de s'enfoncer dans le sol (qui pourrait être plus mou que prévu).
De plus, deux harpons et des vis maintiendront Philae au sol. Ils seront déployés juste après l'allumage d'un système propulsif spécial qui va plaquer Philae au sol afin d'éviter un rebond. En effet, la gravité étant plus que très faible sur une comète (on parle de 1 / 100 000), Philae ne pesera que 1 gramme et donc sera très très léger.
Pour maintenir son énergie et les instruments scientifiques à l'intérieur, Philae est entouré de panneau solaires.


10 instruments scientifiques sont à bord de Philae (masse total de ceux-ci : 21 kg) :

- APXS qui est un spectromètre Alpha, Proton et X, afin de déterminer la composition du noyau.
- CIVA qui sont 5 caméras panoramiques, 2 caméras stéréoscopiques, 1 spectromètre infrarouge et 1 microscope optique pour une analyse des échantillons.
- CONCERT qui est un sondeur radiofréquence pour l'analyse du noyau.
- COSAC qui est un pyroliseur et analyseur (spectromètre de masse et chromatographe) pour analyser les gaz et molécules organiques prélevés au sol.
- MUPUS qui sont des détecteurs pour des mesures de densité, et des propriétés thermiques et mécaniques du sol.
- PTOLEMY qui étudiera les isotopes légers.
- ROLIS qui est une caméra à haute résolution pour les images de l'atterrissage
- ROMAP qui est un magnétomètre qui mesurera le champ magnétique de la comète
- SD2 qui permettra de forer le sol (normalement jusqu'à 20 cm)
- SESAME qui est un ensemble de 3 instruments pour l'étude des ondes sonores et des propriétés électriques à travers la surface et l'étude des poussières qui retombent sur la surface.

Enfin, pour contrôler Rosetta depuis le sol, c'est l'ESOC (Centre Européens d'Opérations Spatiales / ESA) situé à Darmstadt en Allemagne, qui se charge de ces opérations.


L'objectif original de Rosetta est la comète 46P/Wirtanen avec une observation des astéroïdes Siwa 140 et Otawara 4979. Le lancement est initialement prévu en janvier 2003. Mais en décembre 2002, lors du 157ème lancement d'une Ariane, c'est l'échec. Le lanceur est cloué au sol pour plus d'un an. La fenêtre de tir pour la comète 46P/Wirtanen est passée, il faut un nouvel objectif à Rosetta.
Ce sera 67P/Churyumov-Gerasimenko.

Le 2 mars 2004, Rosetta est finalement lancée. Direction ''Sa'' comète.


Pour l'atteindre, le chemin sera long, très long, 10 ans ... et pas mal d'embûches et d'inconnus.

Contrairement aux lancements commerciaux, le lanceur Ariane 5G+ est utilisé de façon spéciale pour donner suffisamment de vitesse à Rosetta pour échapper à l'attraction terrestre.
Quelques jours après, l'ESA confirme que Rosetta est sur la bonne trajectoire et qu'en plus elle pourra observer les astéroïdes Steins (2867) et Lutecia (21).

Il va falloir plusieurs assistances gravitationnelles pour Rosetta afin de pouvoir rencontrer la comète :

- 1ère assistance : le 4 mars 2005 où Rosetta frôle la Terre.
- 2ème assistance : le 25 mars 2007 en frôlant la planète Mars puis survol de la Terre le 13 novembre 2007.
- 3ème et dernière assistance : le 13 novembre 2009 avec un survol de la Terre.

(Photo de la Terre par Rosetta où l'on peut voir l'Amérique du Sud et l'Antarctique)

Le 5 septembre 2008, Rosetta survole l'astéroïde Steins (2867) à 800 km d'altitude.

En mars 2010, Rosetta traverse la ceinture d'astéroïdes, et le 10 juillet de la même année, elle survole l'astéroïde Lutecia (21) à un peu plus de 3 000 km.

Le 8 juin 2010, Rosetta est mise en sommeil volontaire pour continuer son voyage vers la comète afin de la préserver niveau énergie. Elle est à ce moment-là très éloignée du soleil et ses panneaux solaires ne reçoivent qu'à peine 4% de l'énergie solaire nécessaire.

Le 20 janvier 2014, Rosetta ''se réveille''. Le ''pic'' du réveil est attendu avec impatience et saluer par une grande joie à l'ESA.
Elle est plus près du soleil et encore à 31 millions de km de la comète. Les instruments reprennent du service et la caméra Osiris envoie le 21 mars sa première photo de son objectif.


(Jean-Jacques Dordain et Thomas Reiter lors de la confirmation du ''pic du réveil'' / Crédit ESA)
(La comète vue par Rosetta en mars 2014)
Le 28 mars, Philae est à son tour réactivé.
De plus en plus, on distingue l'objectif au fur et à mesure des jours qui passent. 
Et entre mai et juillet, plusieurs manoeuvres (8 au total) sont effectuées afin de réussir le rendez-vous de ce 6 août 2014 :

- 7 mai : Test de propulsion à 1,9 millions de km
- 21 mai : Manoeuvre de correction à 1 million de km (d'une durée de 7h15 avec 218 kg d'ergols).
- 4 juin : Manoeuvre de correction à 425 250 km (d'une durée de 6h39 avec 190 kg d'ergos)
- 18 juin : Ralentissement de la vitesse à 194 846 km (90 m/s)
- 2 juillet : Ralentissement de la vitesse à 51 707 km (58 m/s)
- 9 juillet : Ralentissement de la vitesse à 22 314 km (24 m/s)
- 16 juillet : Ralentissement de la vitesse à 9 590 km (10 m/s)
- 23 juillet : Ralentissement de la vitesse à 4 126 km (4 m/s)
- 3 août : Ralentissement de la vitesse à 70 km au lieu des 200 prévus (3 m/s) 
- 6 août : Manoeuvres d'insertion en orbite.

Dans les prochains jours, et pendant six semaines, Rosetta va modifier son orbite et descendre de plus en plus bas, afin de choisir un site d'atterrissage pour Philae, qui devrait être largué le 11 novembre prochain.

Le noyau de la comète à 285 km de distance le 3août

(Animation de l'approche de Rosetta)

Crédit : ESA / NASA / CNES / DLR
             Space Quotes - Souvenirs d'espace
             Stéphane Sebile / Spacemen1969