14 octobre 2012 … Roswell,
Nouveau-Mexique … Il est 20h08, heure de Paris (12.08pm heure locale). Et
surtout, il faut lever la tête, et regarder très haute, très très haut … à 39
kilomètres d’altitude …
Felix Baumgartner est sorti de sa
capsule, il est debout, et se jette dans le vide.
Il accélère très vite et atteint la
vitesse de 1 342 km/h au bout d’une quarantaine de secondes… Il devient le
premier homme a franchir le mur du son en chute libre !
Après 4 minutes et 19 secondes de chute,
où il a tenu des millions de personnes en haleine, devant leur télévision, leur
ordinateur, il ouvre son parachute et continue de descendre tranquillement. Il
touche le sol en douceur …
14 octobre 1947 : Chuck Yeager
franchit le Mur du Son en avion
14 octobre 2012 : Felix Baumgartner
franchit le Mur du Son en chute libre.
Un homme vient de ‘’revenir à pied de
l’espace’’.
(Crédit : Red Bull Stratos) |
Il y aura 3 vols de ballons
stratosphériques (Manhigh I à Manhigh III) entre juin 1957 et octobre 1958.
L’un des militaires qui vola lors de ces missions était Joe Kittinger (Manhigh
I).
En 1959, Joe Kittinger est assigné au
Projet Excelsior où son rôle consiste à sauter en parachute d’un ballon à
hélium à très haute altitude dans la stratosphère.
Il effectuera 3 sauts.
Le premier a lieu
le 16 novembre 1959 (Excelsior I). Il monte avec sa nacelle à une altitude de
23 287 mètres (76 400 pieds) d’où il s’élance. Le saut faillit tourner
tragiquement. Suite à un déploiement trop tôt de son parachute stabilisateur,
Joe Kittinger est entraîné dans une série de rotations (vrilles) très rapides,
jusqu’à 120 rotations à la minutes. Il perd connaissance. Son parachute s’ouvre
automatiquement à 3 048 mètres (10 000 pieds) évitant ainsi la
tragédie.
Pas découragé par cet incident, Joe
Kittinger effectue un deuxième saut (Excelsior II) le 11 décembre 1959. Il
s’élance de 22 769 mètres (74 700 pieds). Il fait une chute libre de
plus de 16 700 mètres avant d’ouvrir son parachute principal.
Le 16 août 1960, Joe Kittinger effectue
le dernier saut du Projet Excelsior (Excelsior III). Il monte à une altitude de
31 333 mètres (102 800 pieds). Il saute de cette altitude malgré un
problème d’étanchéité du gant droit de sa combinaison (il souffrira de froid
extrême à sa main lors de ce saut : -70°).
Lors de sa chute libre de 26 kilomètres,
qui dura un peu plus de 4 minutes, Joe Kittinger atteint une vitesse de 988
km/h. Son parachute s’ouvre automatiquement à 5 334 mètres.
(20ème anniversaire du saut record de Kittinger signé par Joe Kittinger) |
Dans son livre The Lone Lonely Lap, Joe Kittinger racontera son (ses)
expérience(s).
Ce nouveau record d’altitude tiendra jusqu’à ce 12 octobre 2012, et sera
battu par Felix Baumgartner.
Mais Felix Baumgartner bat aussi le saut
d’Evnegui Andreïev, qui lui détenait le record officiel de chute libre…
Le 1er novembre 1962, à bord
du ballon stratosphérique Volga, il monte à une altitude de 25 460 mètres
(83 523 pieds) et s’élance dans le vide. Il effectue une chute libre de
24 500 mètres avant s’ouvrir son parachute à 1 000 mètres du sol.
Son équipier, Piotr Dolgov, reste dans
la nacelle et monte à 28 640 (93 970 pieds). Il cogne
accidentellement son casque à la paroi de celle-ci, fissure sa visière et meurt
lors de la dépressurisation de son scaphandre.
Les cosmonautes des missions spatiales
soviétiques Vostok (1961-1963) s’éjectaient à haute altitude de leur capsule, à
environ 7 000 mètres, et atterrissaient en parachute. C’était un de
secrets les mieux gardés du début des vols habités soviétiques, car ils avaient
peur que leurs vols Vostok ne soient pas homologués par la FAI.
Entre 1960 et 2012, il y a plusieurs
projets pour battre le saut de Kittinger.
Le 6 février 1966, le parachutiste
américain Nick Piantanida monte à bord de la nacelle de son ballon Strato Jump
II. Il atteint une altitude de 37 642 mètres. Il devient l’homme le plus
haut du monde en ballon. Ce parachutiste amateur est déterminé à battre le
record de Kittinger. Il est le premier à obtenir des sponsors privés pour
organiser son saut. Il obtient une combinaison spatiale et monte une équipe de
volontaires.
Le 1er mai 1966, à bord du
ballon Strato Jump III, il commence son ascension dans la stratosphère. Il a
prévu de monter à près de 40 km (120 000 pieds). Tout à coup, l’équipe au
sol entend un grand bruit d’air à la radio. Le casque de Piantanida vient de se
dépressuriser. Nous sommes à environ 18 km d’altitude (55 000 pieds).
L’équipe au sol largue la nacelle qui se détache du ballon. Elle tombe
accrochée à un parachute. Nick Piantanida survit à la chute mais son cerveau est
détruit par le manque d’oxygène. Il restera dans un coma irréversible qui
durera 4 mois. Il meurt le 29 août 1966. (Crédit Photos : Life).
En 1986, après l’explosion de la navette
spatiale Challenger, la NASA teste un système d’évacuation d’urgence d’un
orbiter à haute altitude par les astronautes.
En 1988, le CNES et l’ESA envisage un
programme, le S38 (comme 38 kilomètres). Plusieurs personnes participent à ce
projet dont les astronautes Patrick Baudry et Jean-François Clervoy
(déclarations à BFMTV le 14 octobre 2012 lors du direct du saut de Baumgartner)
ainsi que Michel Fournier. Le projet était avancé. Un test avec un largage de
mannequin à 40 km d’altitude avait même été effectué avec succès. Mais le
programme est abandonné peu de temps après.
En 2003, Michel Fournier reprend à son
compte une partie du projet et décide de tenter de battre le record de
Kittinger avec des fonds privés. Malheureusement, le projet appelé Le Grand
Saut a eu plusieurs problèmes et Michel Fournier n’a toujours pas réalisé de
saut. A la suite du saut de Baumgartner, il a déclaré qu’il espérait bien
réussir à effectuer un saut au printemps 2013.
Parmi les autres prétendants ou
prétendus tels, au record de Kittinger, on y trouve le cascadeur britannique
Steve Truglia, ou la parachutiste américaine Cheryl Stearns et son Projet
StratoQuest (http://www.wired.com/wired/archive/9.08/space.html).
Puis arrive le projet de Felix
Baumgartner. Cet autrichien qui a aujourd’hui 43 ans, n’est pas un inconnu dans
le monde du parachutisme et du Base Jump. Il détient plusieurs premières et
records comme être le premier parachutiste à sauter des Tours Petronas de Kuala
Lumpur en Malaisie en 1999, le premier à sauter du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro,
toujours en 1999. En 2003, il est le premier parachutiste à traverser la Manche
en chute libre avec une aile de carbone spéciale. En 2004, il est le premier à
atterrir et à sauter en parachute sur le Viaduc de Millau, etc…
Il pense sérieusement à battre le record
de Joe Kittinger depuis près de 5 ans.
En 2010, il trouve avec la société Red
Bull, un sponsor qui financera ce projet, en fournissant toute la logistique,
l’infrastructure, et le personnel scientifique et au sol. Joe Kittinger
lui-même fait partie de l’aventure et sera le conseiller spécial de
Baumgartner. Le Dr Jonathan Clark, mari de l’astronaute Laurel Clark tuée dasn
l’accident de la navette Columbia en 2003, fait aussi partie de l’aventure.
Son projet, monter à bord d’une capsule
à plus de 36 km, sauter en chute libre, et atteindre et dépasser la vitesse du
son.
Le projet est un moment en suspens à la
fin 2010, suite à un conflit de ‘’paternité’’ du projet mais le problème est
réglé en 2011. La préparation continue donc et au début de l’année 2012, il est
officiellement annoncé que ce projet, nommé Red Bull Stratos, tentera de battre
le record de Kittinger et d’atteindre la vitesse du son, dans le courant de
cette même année.
Le 15 mars 2012, Felix Baumgartner va
réaliser le premier des deux saut-tests qualificatifs. Il s’agit d’éprouver la
technologie, le matériel, l’équipe au sol et surtout lui-même. La fin de
l’année 2011 a été très difficile sur le plan psychologique pour lui. Il était
devenu claustrophobe. Être enfermé dans sa combinaison hermétique le terrorisait…
Il n’arrivait pas à se concentrer, à accomplir ce pourquoi il s’entrainait depuis
des années. Chaque saut d’entrainement avec la combinaison pressurisée était un
véritable supplice. Il pensa même abandonné…
Voici ce qu’il déclarait lors d’une
interview au Red Bull Bulletin (version française février 2012) :
(…) En décembre 2010, nous avions
procédé aux derniers essais avec combinaison spatiale. J’ai alors réalisé que j’avais
un réel problème là où je m’y attendais le moins. Un problème d’ordre
psychologique lié à la combinaison. J’avais du mal à la porter. Plus les jours
passaient, moins ça s’arrangeait. A la fin, je ne la supportais pas plus de
deux minutes ! (…)
(…) La combinaison était censée être une
deuxième peau. Ça n’a jamais été le cas. (…) Une fois la visière fermée, le
silence et la solitude sont oppressants. (…).
(…) J’ai fais beaucoup de choses
extrêmes dans ma carrière. Masi, à ce jour, personne, moi y compris, n’aurait
pu penser que le simple fait de porter une combinaison spatiale pouvait mettre
la mission en danger. Cela m’a mis en état de totale panique. (…)
Mais avec l’aide d’un psychothérapeute,
il a vaincu sa phobie. L’agoraphobie avait disparu. Il a appris à ne faire
qu’un avec sa combinaison, ou plutôt sa combinaison a appris à faire qu’un avec
lui. Débarrassé de cette phobie, de ce blocage, il a pu continuer d’avancer, et
donc, ce 15 mars 2012, effectuer ce premier saut-test.
(...) Grâce au psychologue américain Mike Gervais. (...). Il a bien cerné la problématique et m'a donné les outils nécessaires pour surmonter tout cela (...).
Il saute de 21 818 mètres
(71 581 pieds). Il fait une chute libre d’environ 3 min 43 et atteint une
vitesse de 580 km/h.
Le 25 juillet 2012, il effectue son
deuxième saut-test. Il saute cette fois de 29 456 mètres (96 640
pieds). Il fait une chute libre de 3 min 48 et atteint la vitesse de 863 km/h.
Tout est donc prêt pour le saut de tous
les records. Il est prévu en août, mais hélas, la capsule lors de son retour du
deuxième saut-test, est sérieusement endommagée au sol. Il faut reporter le
saut.
Laissons Felix Baumgartner raconter ses
impressions et sa frustration après son deuxième saut (témoignage issu du
Red Bull Bulletin version France de septembre 2012).
Je me sens comme un lion en cage …
Deuxième saut. Il se déroule à
merveille.
Les jours qui ont précédé cette montée
en puissance ont pourtant été particulièrement éprouvants.
L’ouverture de la porte à 29 610
mètres d’altitude dure une éternité. Pendant les seize premières secondes de ma
chute libre, je n’ai aucun contrôle sur ma position. Rappelons qu’au premier
saut-test, seulement six secondes sont nécessaires pour que je maîtrise comme
il se doit ma situation. Grâce à ces deux réussites, nous prouvons que nous
sommes capables de le faire.
Au début de la Mission, je n’imagine pas
que l’atterrissage de la capsule puisse nous poser le moindre problème. Un
membre de l’équipe m’indique que cela peut-être le cas. Dans un premier temps,
je ne prête pas beaucoup d’attention à ses propos. Au cours du premier vol, la
capsule souffre d’un atterrissage brutal dans le désert. Mais les Crush Pads
(coussins amortisseurs) situés sous sa structure et développés avec soin par
nos ingénieurs parviennent à amortir l’impact.
Art Thompson, directeur de la Mission,
confirme la mauvaise nouvelle à l’issue de ce deuxième saut. Au moment de la
soulever du camion, tout le monde réalise que nous avons un problème. La
capsule semble être entrée en collision avec un extraterrestre.
Le diagnostic est sans appel. L’habitacle
est intact mais de nombreux systèmes du Life Support sont à remplacer. Une F1
vient de percuter un mur à pleine vitesse pendant une séance d’essais est dans
le même cas. Elle ne prend pas le départ de la course sans subir une série de
tests supplémentaires. Les pièces de rechange de la capsule ne se trouvent pas
chez le garagiste du coin de la rue. Elles doivent être certifiées conformes
pour les vols dans l’espace et fabriquées par des entreprises de pointe, des
sous-traitant de la NASA pour la plupart. Par ailleurs, la réalisation de
certaines d’entre elles nécessite plusieurs semaines de travail.
Leur structure interne a-t-elle été
endommagée ? Peuvent-elles encore alimenter la capsule sans interruption
ou, pire, risquent-elles de provoquer un incendie suite à un court-circuit
électrique ?
Bien sûr, nous aurions souhaité un délai
de deux ou trois semaines entre l’avant-dernier et le denier saut. Notre
dynamique est optimale. L’important aujourd’hui est de conserver ce
professionnalisme qui nous a déjà permis d’atteindre à deux reprises les
limites de l’Univers.
Une fois réparée, la capsule sera testée
dans la cabine de décompression et, si tout est conforme, elle prendra la
direction de Roswell pour ce saut majestueux prévu au cours de la première quinzaine
du mois prochain.
Être professionnel, c’est agir dans le
calme et la réflexion. Oui, je me sens comme un lion en cage et non, nous ne
mettrons pas en péril au dernier moment le travail de ces cinq années. En cas
d’échec, il faudra peut-être attendre 60 ans pour voir quelqu’un s’attaquer à
un projet d’une tel envergure.
Alors je vous donne rendez-vous en
octobre, si tout va bien. Croisez les doigts pour moi !
Une fois la capsule déclarée
opérationnelle, une nouvelle tentative est programmée pour le 9 octobre 2012.
Mais des problèmes de vents repoussent la tentative au 11, puis au 14 octobre.
14 octobre 2012 … Roswell,
Nouveau-Mexique … Il est 20h08, heure de Paris (12.08pm heure locale). Et
surtout, il faut lever la tête, et regarder très haute, très très haut … à 39
kilomètres d’altitude …
Il accélère très vite et atteint la
vitesse de 1 342 km/h au bout d’une quarantaine de secondes… Il devient le
premier homme a franchir le mur du son en chute libre !
Après 4 minutes et 19 secondes de chute,
où il a tenu des millions de personnes en haleine, devant leur télévision, leur
ordinateur, il ouvre son parachute et continue de descendre tranquillement. Il
touche le sol en douceur …
La capsule a décollé à 17h30 heure de
Paris (03.30pm heure locale). Après deux heures trente d’ascension, elle
atteint environ 39 000 mètres d’altitude. La dépressurisation de la cabine
commence et après un quart d’heure, Baumgartner ouvre l’écoutille. Il se met en
position après avoir allumer les caméras de sa combinaison.
Joe Kittinger : ‘’Allume
les caméras, et notre ange gardien prendra soin de toi’’
Felix Baumgartner au moment de
sauter : ‘’Je sais que le monde entier regarde maintenant. J’aimerai que vous
puissiez voir ce que je vois. Parfois vous devez être vraiment haut pour
comprendre comment vous êtes petit… Je rentre à la maison maintenant’’
Felix Baumgartner salue une dernière
fois et plonge dans le vide …
Il atteint sa vitesse maximale après 42
secondes, soit 1 342 km/h ou Mach 1.24. Il vient de franchir le Mur du
Son. Il est le premier homme à franchir le Mur du Son en chute libre.
Peu de temps après, il commence une
série de vrilles, de rotations très très impressionnantes. Il ne peut rien
faire pour les contrôler et ne doit surtout rien faire. Il faut qu’il entre
avec les premières couches denses d’air pour commencer à se stabiliser. Il n’a
pas perdu connaissance. Il se stabilise à la perfection et reprend le contrôle
de sa chute.
Sa chute libre va durer 4 min 20 sec,
soit 16 secondes de moins que celle de Kittinger.
Il se pose sans problème après 11
minutes. Il est 20h17 à Paris.
Felix Baumgartner entre dans l’histoire.
Il a battu plusieurs records qui seront tous homologués et confirmés par la FAI
(Fédération Aéronautique Internationale).
-
Plus
haute altitude avec 39,045 kilomètres
-
Plus
grande vitesse avec 1 342 km/h ou Mach 1.24
-
Plus
longue chute libre homologuée avec 4 min 20 sec (celle de Kittinger n’a pas été
homologuée car l’ouverture du parachute s’est faite automatiquement)
-
Plus
haute chute libre avec 36 529 mètres.
Des dizaines de millions de personnes
ont suivi en direct ce saut, et ça aussi c’est un record.
Vues
cameras casque : http://youtu.be/eW8aP352pCg
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