jeudi 5 septembre 2013

Interview de Jeff Ashby, Commandant de navette spatiale


Jeffrey ‘’Jeff’’ Ashby est un ancien pilote de chasse et pilote d’essais de l’US Navy.

 
Il est sélectionné comme pilote par la NASA en 1994 dans le groupe 15.

Il a effectué 3 missions spatiales : STS-93 en 1999 comme pilote, STS-100 en 2001 comme pilote et STS-112 en 2002.
Il aura passé 27 jours et 16 heures dans l’espace.

Il quitte la NASA en 2008.

Il est actuellement Responsable de la sécurité des vols habités chez Blue Origin. 

 
 
Interview réalisée en 2013

 
How many years were you connected to the space program prior to your flight ?
About 4 years. 
I was selected as part of Group 19 in March 1995 and flew my first space shuttle mission as Pilot for STS-93 in July 1999.

 
How did you feel prior to the flight ?
Anxious but not afraid. 
There are many new experiences ahead of an astronaut before their first flight, and its hard to know if you are completely prepared.

 
What kinds of sensations did you experienced during take-off ?
The STS-93 launch aboard COLUMBIA included several vehicle anomalies in first stage (first 2 minutes). 
In between reacting to the failure indications, I recall thinking that the ride was more physically violent than I had expected.

 
What does weightlessness feel like, and what did you think about during the flight ?
There are at least 3 great experiences during a spaceflight. 
Physiological adaptation and body movement in a weightless environment, observing objects float and behave in the apparent absence of gravity, and the view of Earth from space. 
Most life-changing for me was the view of Earth’s incredible thin atmosphere.

 
What were some of the problems you encountered and how did you fixed them ?
Most spaceflights encounter vehicle and equipment anomalies and malfunctions. 
The astronaut crews work with experts in Houston Mission Control to resolve the problems and complete the assigned mission.
 
What did you eat, and did it taste real ?
My favorite food was applesauce, followed by the Cherry/blueberry cobbler. 
Both tasted better than they did on Earth.
 
What was re-entry like ?
In contrast to launch and ascent, re-entry is very smooth and lasts much longer. 
The maximum G-forces experienced during space shuttle re-entry were about 1.6G.

 
Were you glad to be back on Earth, or did you feel you could have spent the rest of your life up there ?
A big part of any spaceflight experience is coming home to share the stories with family and friends, and to share the sense of accomplishment with the hard-working experts and engineers who support the flight from mission control. 
I was glad to come back, but immediately began thinking about a future flight.
 

dimanche 11 août 2013

Entretien avec Richard Truly, astronaute et ancien directeur de la NASA


Richard H. Truly est ingénieur et ancien pilote d’essais de l’US Navy.

 
Sélectionné en 1965 dans le 1er groupe MOL (programme type Gemini mais version militaire) de l’US Air Force, il intègre la NASA en 1969 dans le Groupe 7, lorsque le programme MOL est annulé.
 
Durant sa carrière d’astronaute à la NASA, il sera pilote d’Enterprise lors de deux des cinq vols ALT de celle-ci en 1977, pilote de la navette Columbia lors de STS-2 en 1981 et Commandant de Challenger lors de la mission STS-8 en 1983.

Il quitte la NASA en 1983 et devient le premier Commandant du Naval Space Command.

En 1986, il revient à la NASA après l’accident de Challenger en tant que responsable des vols habités et s’occupe de l’enquête et du retour en vol de la navette spatiale.

En 1989, il quitte l’US Navy avec le grade de Vice-Amiral et devient Administrateur de la NASA entre 1989 et 1992.

De 1992 à 1997, il est le Directeur du Georgia Tech Research Institute à Atlanta puis de 1997 à 2005, il est le directeur du NREL (National Renewable Energy Laboratory), institution  dédiée aux énergies renouvelables, à Golden dans le Colorado.

Richard Truly a reçu de nombreuses récompenses, décorations et distinctions lors de sa carrière (Médaille Présidentielle, NASA, Trophée Collier, etc…).

 
Entretien réalisé en trois fois en 2012 et en 2013.

A quand remonte votre intérêt pour l’aviation ?
Comme beaucoup d’enfants à mon époque, j’aimais bien les avions, mais sans plus. Je n’ai pas eu la vocation de devenir pilote comme certains de mes amis – je voulais être ingénieur.
C’est plus tard, en faisant mes études à Georgia Tech que j’ai côtoyé la Navy. Et cela m’a plu.
J’ai demandé à faire le programme de pilote en plus de ma formation d’ingénieur aéronautique. Puis je suis devenu pilote d’essai.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans le programme MOL (Manned Orbital Laboratory) ?
La Chance !!!

En fait, c’est l’US Air Force qui gérait ce programme. Quelqu’un a convaincu l’Air Force qu’il fallait aussi des pilotes d’essais diplômés de l’Aerospace Research Pilot School où j’étudiais. Puis? j’ai donc été sélectionné.
 
Après l’annulation du programme MOL, comment avez-vous intégré la NASA ?
C’était logique ! Nous travaillions avec la NASA depuis des années. Nous avions la même formation mais des rôles différents. MOL était un programme militaire et Gemini était son pendant civil.

Je sais qu’au début, on ne voulait pas de nous. Il y avait trop de monde à la NASA. Puis finalement, nous sommes restés.

J’ai lu quelque part que vous aviez refusé d’être ‘’support crew’’ pour Apollo 15 afin de travailler sur Skylab (…)
(…) Oui, c’est David Scott qui me l’avait proposé.
Mais le programme Apollo touchait à sa fin et il n’y aurait plus ce type de missions avant des années. J’ai donc décidé de m’investir sur Skylab à la demande de Walt Cunningham.

Pourriez-vous nous raconter un peu de votre travail sur Skylab ?
C’était très très intéressant. Et nouveau.
A part la capsule de type Apollo qui servait pour amener l’équipage, tout était nouveau. 
Cela a été un travail intense. J’ai beaucoup travaillé sur l’Orbital Workshop.

Pas déçu de ne pas avoir été sélectionné pour un équipage après tant de travail ?
Bah, un petit peu, mais vous savez, je ne me suis pas investit pour partir obligatoirement. 

On s’investit pour le programme. Il y avait d’autres personnes avant moi. Il y a toujours du monde devant soi. Et pourtant il n’y a jamais personne en tête…

J’ai été Capcom pour Skylab 1 et 2 (Ascent, RendezVous et Entry). Je connaissais bien le Workshop.

Et après cette mission Skylab, vous avez jeté votre dévolu sur le programme navette spatiale.
Oui, c’est cela…

Pourquoi ?
Pour un ingénieur et pilote, c’était un travail super.
Le rêve d’aller dans l’espace et dans revenir plusieurs fois de suite avec le même véhicule spatial allait devenir réalité.
Là-aussi, il y avait beaucoup à faire. Nous avons conçu le cockpit, les organes de vol…

Quels souvenirs gardez-vous du programme ALT et des tests en vols avec Enteprise ?
Très bon … (rires).

Nous approchions de ce que nous voulions faire : Envoyer une navette dans l’espace et l’a faire revenir.

Ces tests étaient cruciaux pour la suite du programme.

Les deux vols que nous avons fait avec Joe, étaient très intenses et ont demandé beaucoup de travail. Enormément de simulation et de vols de simulation avant.

J’étais pressé de faire enfin notre premier vol sur Enterprise.

(Enveloppe signée par les deux équipages Enterprise ALT)
(Photos signées par Richard Truly)
 
Pourriez-vous nous donner vos impressions, vos sentiments pour la mission STS-2 ? C’était votre premier vol spatial … Comment vous sentiez-vous avant de partir ?
Et de loin, un de mes moments préférés.
J’attendais cela avec impatience. Nous avions tellement travaillé sur ce programme.
 
 
J’étais extrêmement concentré sur tout ce qu’il y avait à faire.
La charge de travail était énorme. Il y avait eu plusieurs reports et donc, nous étions pressés de faire notre mission.

C’était aussi la première fois qu’un vaisseau conçu pour être réutilisable allait décoller pour sa deuxième mission.
 
(Décollage de STS-2 / Photo de John Young)
 
Les tests avec le bras robotique ont été très bons.
Je me souviens de Sally Ride qui était Capcom lors des tests. Elle n’arrêtait pas de nous demander de faire ci et de faire ça, puis de nous féliciter à chaque fois. Nous lui avons montré un mot rien que pour elle à travers une des fenêtres du Flight Deck : Hi Mom !
 
(Test Canadarm / Photo NASA)
(Richartd Truly en vol lors de STS-2)
 
Un peu déçu d’avoir dû écourter la mission après la panne d’une des piles à combustible ?
Un peu quand même car j’aurai aimé rester un peu plus de temps en vol, mais nous avons réussi à faire presque tout notre programme de vol, donc, pas trop de regrets non plus.

Vous avez eu aussi le Président Ronald Reagan en direct par téléphone. Quel souvenir en avez-vous ?
C’était très surprenant…

Il nous a dit qu’il était très fier de nous, et que l’Amérique était fière de nous. On lui a répondu que nous aussi nous étions fiers que des gens soient fiers de nous, ou quelque chose comme ça (rires…).
 
(Photo signée par le directeur du Johnson Space Center Chris Kraft)
 
Comment s’est passé le retour sur Terre de Columbia ? Etiez-vous tendu ?
Non, pas du tout. Mais très concentré.

C’était quand même, comme pour le décollage, la première fois, qu’un même vaisseau revenait sur Terre pour la deuxième fois. Je crois que les plus tendus étaient les gens au sol, notamment au Flight Control, et surtout notre Capcom Rick Hauck.

Il y avait beaucoup de monde, de public qui attendait notre retour.

Joe a posé Columbia tout en douceur, se permettant de garder le nez de Columbia en l’air pendant de longues secondes alors que le train principal avait touché le sol.

Nous avons dit au moment de nous poser ‘’L’oiseau vole très bien’’.

(Photo retour STS-2 signée par Richard Truly)
(La mission du point de vue philatélique)
 
J’ai lu que le plus grand ‘’challenge’’ de votre carrière, n’était pas les vols ALT ni vos vols spatiaux, mais votre retour à la NASA après votre retraite de celle-ci.
On vous a rappelé juste après l’accident de Challenger pour devenir Administrateur-Adjoint, responsable des vols habités.
J’avais quitté la NASA depuis quelques temps déjà, et j’étais à ce moment-là, Commandant du Naval Space Command récemment mis en place.

On m’a téléphoné quelques jours après l’accident et juste après la mise en place de la Commission Rogers qui allait travailler sur l’accident.

Au moment de l’accident, il y a avait un directeur de la NASA par intérim, et c’était une période avec de grosses pressions pour l’agence. Tout le monde pensait que faire voler des navettes était facile, mais ce n’était pas le cas. Je suis arrivé à un des pires moments.
J’aurai pu refuser, mais non, j’ai accepté. C’était un sacré travail, un challenge énorme. 

J’étais responsable de l’enquête à la NASA, travaillant avec la Commission Rogers, et en même temps, je devais m’occuper du retour en vol.

Beaucoup de gens pensaient que la NASA avait même ‘’tué’’ son équipage.

Nous avons tous fait notre travail dans des conditions difficiles et nous sommes repartis dans l’espace.

A votre avis, quel doit être l’avenir de la NASA, et plus généralement, de l’homme dans l’espace ?
Nous devons continuer d’explorer.

Nous n’aurons certainement plus jamais un programme comme Apollo, qui répondait à un contexte historique, mais nous devons retourner sur la Lune.

Ce n’est pas parce que nous avons marché dessus que nous avons tout exploré !

Elle fait partie, avec Mars, des seuls mondes extraterrestres où nous pouvons poser pied pour le moment, alors, allons-y !!!

Nous avions ce genre de programme et tout à été annulé.

Nous devons avoir un programme spatial qui aille au-delà des nombreux présidents et des Congrès. L’espace, l’exploration spatiale, ne sont ni démocrates ou républicains. Ce doit être un programme américain (pour ce qui nous concerne).
(Richard Truly, en tant qu'Administrateur de la NASA)

Crédit : Collection Stéphane Sebile / Spacemen1969
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jeudi 25 juillet 2013

25 juillet 2013 - Lancement du satellite Alphasat



ALPHASAT

 Ce 25 juillet 2013, l’Agence Spatiale Européenne lancera le plus gros satellite de communication jamais construit en Europe et aussi le satellite de communication le plus sophistiqué au monde : Alphasat.


Ce satellite a été construit et conçu par la société Astrium pour l’ESA et pour Inmarsat (premier fournisseur de services de télécommunications mobiles par satellite dans le monde) dans un cadre de partenariat public-privé (PPP).

Cette coopération public-privé permet à l’ESA de réaliser trois des principaux objectifs de ce partenariat :

* Validation de la plateforme Alphabus
* Alphasat testera quatre technologies spatiales
* Mise en place de nouvelles technologies

Alphasat emporte une charge utile de communication géomobile en bande L de nouvelle génération, qui optimisera le service du réseau mondial de communication à large bande (Broadband Global Area Network, BGAN) d’Inmarsat en offrant un surcroît de capacité à travers l’Europe, l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient.

Alphasat est équipé de huit processeurs de signaux numériques de nouvelle génération destiné à sa charge utile et d’un réflecteur de 11 m. Le satellite emporte également quatre démonstrateurs technologiques pour le compte de l’ESA.

Alphasat est également le premier modèle de vol de la nouvelle plateforme européenne hautes-performances Alphabus, développée conjointement par Astrium et Thales Alenia Space avec le soutien de l’ESA et du CNES (l’agence spatiale française), pour répondre aux besoins haut de gamme du marché des satellites de télécommunication.

Alphabus est la plateforme la plus puissante du marché et peut mener à bien des missions dont la masse au lancement peut atteindre 8 800 kg (avec une masse de charge utile jusqu’à 2 000 kg) et la puissance de charge utile 22 kW.

Alphasat, dont la durée de vie prévue en orbite est de 15 ans, aura une masse au lancement de 6 650 kg et une envergure de 40 mètres après déploiement en orbite de ses panneaux solaires.

Alphasat sera lancé depuis Kourou par une Ariane 5 ECA.

 
Petit historique des préparatifs de la mission Alphasat / Ariane Vol 214

 
23 novembre 2007 : Commande d’Alphasat
17-21 juin 2013 : Départ d’Alphasat de Toulouse pour Cayenne par Antonov 124
27 juin 2013 : remplissage des réservoirs Xénon
8 juillet 2013 : Remplissage des réservoirs en ergols(3 tonnes) et début du compte à rebours (peroxyde d’azote et hydrazine)
12 juillet 2013 : Mise en place d’Alphasat sur son adaptateur de transfert sur le lanceur Ariane 5 ECA
16 juillet 2013 : Transfert d’Alphasat du bâtiment S5 au Bâtiment d’Assemblage Final (BAF)
16 juillet 2013 : Pose d’Alphasat sur le SYLDA (Système Lancement Double Ariane)
18 juillet 2013 : Encapsulation de la coiffe
18 juillet 2013 : Transfert d’INSAT 3-D au Bâtiment d’Assemblage Final (BAF)
20 juillet 2013 : Intégration d’INSAT 3-D au lanceur
22 juillet 2013 : Inspection finale et intégration sur le lanceur Ariane 5 ECA
23 juillet 2013 : Revue d’Aptitude au Lancement (RAL)


Le 18 juin dernier, lors du Salon du Bourget, une conférence-débat avec les principaux responsables du programme Alphasat s’est tenue dans le pavillon de l’ESA :

(Crédit Photos : Space Quotes - Souvenirs d'espace)

Le débat était présenté par Magali Vaissière, ESA Director of Telecommunications and Integrated Applications.

Jean-Jacques Dordain, directeur de l’ESA, a expliqué le partenariat public-privé entre l’ESA et Inmarsat. En plus de cette coopération, des agences spatiales nationales se sont aussi fortement impliquées dans le projet (CNES pour la France, DLR pour l’Allemagne, l’ASI pour l’Italie).

Jean-Yves Le Gall, président du CNES a parlé de la station Alphabus et de son rôle.

Le président d’Astrium Eric Béranger et le vice-président pour le développement de Thales Alenia Space Samirt Benamar sont également intervenus.

Etaient également présents le président de la DLR Jan Wörner, le Chief Technology Officer d’Inmarsat Ruy Pinto et David Parker, le responsable de l’agence spatiale britannique (UKSA).

(Crédit photo : ESA)


N’oublions pas que durant ce lancement, un autre satellite sera également du voyage : INSAT-3D.

Ce satellite météo est lancé pour l’Agence Spatiale Indienne (ISRO). Il devrait permettre la prévention des tempêtes et catastrophes naturelles.

 

 
Une maquette taille 1 d’Alphasat était exposée devant le pavillon de l’ESA lors du dernier Salon du Bourget.

(Crédit Photos : Space Quotes - Souvenirs d'espace)

Le directeur de l’ESA, Jean-Jacques Dordain, a expliqué à plusieurs visiteurs l’importance d’Alphasat.

(Crédit Photos : Space Quotes - Souvenirs d'espace)

(Jean-Yves Le Gall, Pdt du CNES / Jean-Jacques Dordain, Pdt de l'ESA
Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur et Stéphane Israel, directeur d'Arianespace)
(Jean-Jacques Dordain et le Président de la République François Hollande
 Edit : Décollage réussi à 21h53 (heure de Paris)

Replay du décollage ici : http://dai.ly/x12agri (cliquez sur le lien en jaune)