Sélectionné en 1965 dans le 1er
groupe MOL (programme type Gemini mais version militaire) de l’US Air Force, il
intègre la NASA en 1969 dans le Groupe 7, lorsque le programme MOL est annulé.
Durant sa carrière d’astronaute à la
NASA, il sera pilote d’Enterprise lors de deux des cinq vols ALT de celle-ci en
1977, pilote de la navette Columbia lors de STS-2 en 1981 et Commandant de
Challenger lors de la mission STS-8 en 1983.
Il quitte la NASA en 1983 et devient le
premier Commandant du Naval Space
Command.
En 1986, il revient à la NASA après
l’accident de Challenger en tant que responsable des vols habités et s’occupe
de l’enquête et du retour en vol de la navette spatiale.
En 1989, il quitte l’US Navy avec le
grade de Vice-Amiral et devient Administrateur de la NASA entre 1989 et 1992.
De 1992 à 1997, il est le Directeur du Georgia Tech Research Institute à
Atlanta puis de 1997 à 2005, il est le directeur du NREL (National Renewable Energy Laboratory), institution dédiée aux énergies renouvelables, à Golden
dans le Colorado.
Richard Truly a reçu de nombreuses
récompenses, décorations et distinctions lors de sa carrière (Médaille
Présidentielle, NASA, Trophée Collier, etc…).
Entretien réalisé en trois fois en 2012 et en 2013.
A
quand remonte votre intérêt pour l’aviation ?
Comme beaucoup d’enfants à mon époque,
j’aimais bien les avions, mais sans plus. Je n’ai pas eu la vocation de devenir
pilote comme certains de mes amis – je voulais être ingénieur.
C’est plus tard, en faisant mes études à
Georgia Tech que j’ai côtoyé la Navy. Et cela m’a plu.
J’ai demandé à faire le programme de
pilote en plus de ma formation d’ingénieur aéronautique. Puis je suis devenu
pilote d’essai.
Comment vous êtes-vous retrouvé dans le programme MOL (Manned
Orbital Laboratory) ?
La Chance !!!
En fait, c’est l’US Air Force qui gérait
ce programme. Quelqu’un a convaincu l’Air Force qu’il fallait aussi des pilotes
d’essais diplômés de l’Aerospace Research Pilot School où j’étudiais. Puis? j’ai
donc été sélectionné.
Après l’annulation du programme MOL, comment avez-vous intégré la
NASA ?
C’était logique ! Nous travaillions
avec la NASA depuis des années. Nous avions la même formation mais des rôles
différents. MOL était un programme militaire et Gemini était son pendant civil.
Je sais qu’au début, on ne voulait pas
de nous. Il y avait trop de monde à la NASA. Puis finalement, nous sommes
restés.
J’ai lu quelque part que vous aviez refusé d’être ‘’support crew’’
pour Apollo 15 afin de travailler sur Skylab (…)
(…) Oui, c’est David Scott qui me
l’avait proposé. Mais le programme Apollo touchait à sa fin et il n’y aurait
plus ce type de missions avant des années. J’ai donc décidé de m’investir sur
Skylab à la demande de Walt Cunningham.
Pourriez-vous nous raconter un peu de votre travail sur
Skylab ?
C’était très très intéressant. Et
nouveau. A part la capsule de type Apollo qui servait pour amener l’équipage,
tout était nouveau.
Cela a été un travail intense. J’ai beaucoup travaillé sur
l’Orbital Workshop.
Pas déçu de ne pas avoir été sélectionné pour un équipage après tant
de travail ?
Bah, un petit peu, mais vous savez, je
ne me suis pas investit pour partir obligatoirement.
On s’investit pour le programme. Il y
avait d’autres personnes avant moi. Il y a toujours du monde devant soi. Et
pourtant il n’y a jamais personne en tête…
J’ai été Capcom pour Skylab 1 et 2
(Ascent, RendezVous et Entry). Je connaissais bien le Workshop.
Et après cette mission Skylab, vous avez jeté votre dévolu sur le
programme navette spatiale.
Oui, c’est cela…
Pourquoi ?
Pour un ingénieur et pilote, c’était un
travail super. Le rêve d’aller dans l’espace et dans
revenir plusieurs fois de suite avec le même véhicule spatial allait devenir
réalité.
Là-aussi, il y avait beaucoup à faire.
Nous avons conçu le cockpit, les organes de vol…
Quels souvenirs gardez-vous du programme ALT et des tests en vols
avec Enteprise ?
Très bon … (rires).
Nous approchions de ce que nous voulions
faire : Envoyer une navette dans l’espace et l’a faire revenir.
Ces tests étaient cruciaux pour la suite
du programme.
Les deux vols que nous avons fait avec
Joe, étaient très intenses et ont demandé beaucoup de travail. Enormément de
simulation et de vols de simulation avant.
J’étais pressé de faire enfin notre
premier vol sur Enterprise.
(Enveloppe signée par les deux équipages Enterprise ALT) |
(Photos signées par Richard Truly) |
Pourriez-vous nous donner vos impressions, vos sentiments pour la
mission STS-2 ? C’était votre premier vol spatial … Comment vous
sentiez-vous avant de partir ?
Et de loin, un de mes moments préférés.
J’attendais cela avec impatience. Nous
avions tellement travaillé sur ce programme.
J’étais extrêmement concentré sur tout
ce qu’il y avait à faire.
La charge de travail était énorme. Il y
avait eu plusieurs reports et donc, nous étions pressés de faire notre mission.
C’était aussi la première fois qu’un
vaisseau conçu pour être réutilisable allait décoller pour sa deuxième mission.
(Décollage de STS-2 / Photo de John Young) |
Les tests avec le bras robotique ont été
très bons.
Je me souviens de Sally Ride qui était Capcom lors des tests. Elle
n’arrêtait pas de nous demander de faire ci et de faire ça, puis de nous
féliciter à chaque fois. Nous lui avons montré un mot rien que pour elle à
travers une des fenêtres du Flight Deck : Hi Mom !
(Test Canadarm / Photo NASA) |
(Richartd Truly en vol lors de STS-2) |
Un peu déçu d’avoir dû écourter la mission après la panne d’une des
piles à combustible ?
Un peu quand même car j’aurai aimé
rester un peu plus de temps en vol, mais nous avons réussi à faire presque tout
notre programme de vol, donc, pas trop de regrets non plus.
Vous avez eu aussi le Président Ronald Reagan en direct par
téléphone. Quel souvenir en avez-vous ?
C’était très surprenant…
Il nous a dit qu’il était très fier de
nous, et que l’Amérique était fière de nous. On lui a répondu que nous aussi
nous étions fiers que des gens soient fiers de nous, ou quelque chose comme ça
(rires…).
(Photo signée par le directeur du Johnson Space Center Chris Kraft) |
Comment s’est passé le retour sur Terre de Columbia ?
Etiez-vous tendu ?
Non, pas du tout. Mais très concentré.
C’était quand même, comme pour le
décollage, la première fois, qu’un même vaisseau revenait sur Terre pour la
deuxième fois. Je crois que les plus tendus étaient les gens au sol, notamment
au Flight Control, et surtout notre Capcom Rick Hauck.
Il y avait beaucoup de monde, de public
qui attendait notre retour.
Joe a posé Columbia tout en douceur, se
permettant de garder le nez de Columbia en l’air pendant de longues secondes
alors que le train principal avait touché le sol.
Nous avons dit au moment de nous poser
‘’L’oiseau vole très bien’’.
(Photo retour STS-2 signée par Richard Truly) |
(La mission du point de vue philatélique) |
J’ai lu que le plus grand ‘’challenge’’ de votre carrière, n’était
pas les vols ALT ni vos vols spatiaux, mais votre retour à la NASA après votre
retraite de celle-ci.
On vous a rappelé juste après l’accident de Challenger
pour devenir Administrateur-Adjoint, responsable des vols habités.
J’avais quitté la NASA depuis quelques
temps déjà, et j’étais à ce moment-là, Commandant du Naval Space Command
récemment mis en place.
On m’a téléphoné quelques jours après
l’accident et juste après la mise en place de la Commission Rogers qui allait
travailler sur l’accident.
Au moment de l’accident, il y a avait un
directeur de la NASA par intérim, et c’était une période avec de grosses
pressions pour l’agence. Tout le monde pensait que faire voler des navettes
était facile, mais ce n’était pas le cas. Je suis arrivé à un des pires
moments.
J’aurai pu refuser, mais non, j’ai
accepté. C’était un sacré travail, un challenge énorme.
J’étais responsable de l’enquête à la
NASA, travaillant avec la Commission Rogers, et en même temps, je devais
m’occuper du retour en vol.
Beaucoup de gens pensaient que la NASA
avait même ‘’tué’’ son équipage.
Nous avons tous fait notre travail dans
des conditions difficiles et nous sommes repartis dans l’espace.
A votre avis, quel doit être l’avenir de la NASA, et plus
généralement, de l’homme dans l’espace ?
Nous devons continuer d’explorer.
Nous n’aurons certainement plus jamais
un programme comme Apollo, qui répondait à un contexte historique, mais nous
devons retourner sur la Lune.
Ce n’est pas parce que nous avons marché
dessus que nous avons tout exploré !
Elle fait partie, avec Mars, des seuls
mondes extraterrestres où nous pouvons poser pied pour le moment, alors,
allons-y !!!
Nous avions ce genre de programme et
tout à été annulé.
Nous devons avoir un programme spatial
qui aille au-delà des nombreux présidents et des Congrès. L’espace,
l’exploration spatiale, ne sont ni démocrates ou républicains. Ce doit être un
programme américain (pour ce qui nous concerne).
Crédit : Collection Stéphane Sebile / Spacemen1969
(Richard Truly, en tant qu'Administrateur de la NASA) |
Crédit : Collection Stéphane Sebile / Spacemen1969
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