Claudie Haigneré est Médecin rhumatologue, spécialiste en médecine aéronautique.
Elle est également Docteur ès-sciences, option Neuro-Sciences.
Elle obtient successivement un Certificat d'Etudes Spécialisées (CES) de biologie et de médecine du sport en 1981, un CES de médecine aéronautique et spatiale en 1982, un CES de rhumatologie en 1984, un Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) de biomécanique et physiologie du mouvement en 1986, et soutient une thèse de neuro-sciences en 1992.
En 1985, elle est sélectionnée comme astronaute du CNES.
Elle travaillera sur les expériences ‘’Physalie’’ et ‘’Viminal’’ lors de la 2ème mission de Jean-Loup Chrétien, Soyouz TM-7 / Aragatz.
De 1990 à 1992, Claudie Haigneré est responsable des programmes de physiologie et de médecine spatiale à la Division "Sciences de la Vie" du CNES à Paris, participant aux orientations de la recherche spatiale dans ce domaine, en étroite collaboration avec les laboratoires français et internationaux.
Elle assure, de 1989 à 1992, la coordination scientifique de la mission franco-russe Antarès pour les expériences des sciences de la vie, lors de la préparation et du vol de Michel Tognini (Mission Soyouz TM-15 Antares).
En octobre 1992, elle est désignée comme doublure de Jean-Pierre Haigneré pour la Mission Soyouz TM-17 / Altaïr.
Elle effectue sa première mission spatiale en août 1996 lors du vol Soyouz TM-24 / Cassiopée, devenant la première française dans l’espace.
En 1998, elle est de nouveau la doublure de Jean-Pierre Haigneré pour Soyouz TM-29 / Perseus.
En 1999, elle intégre le Corps Européen des Astronautes (EAC).
En 2001, elle effectue sa 2ème mission spatiale Soyouz TM-33 / Andromède.
Elle quitte le corps des astronautes en juin 2002 et devient ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies jusqu’en mars 2004.
De mars 2004 à mai 2005, elle est ministre déléguée aux Affaires européennes.
Elle est, depuis 2009, Présidente d’Universcience (nouvel établissement public issu du rapprochement entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie).
Claudie Haigneré est également l'épouse de l'astronaute Jean-Pierre Haigneré.
Interview réalisé en 2010
RENCONTRE AVEC CLAUDIE HAIGNERE QUI NOUS PARLE DE SA PREMIERE MISSION SPATIALE SOYOUZ TM-24 / CASSIOPEE
Q : How many years were you connected to the space program prior to your flight ?
R : Une connexion “virtuelle” s’est faite très tôt…
En juillet 1969, j’avais 12 ans lorsque j’ai vu, en direct, les premiers pas de l’Homme sur la Lune.
Une émotion est née en moi ce jour là.
En revanche le lien effectif avec le programme spatial date de 1985, année de ma sélection par le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES).
Puis, de 1985 à 1992, j’ai mené un travail de recherche dans le domaine de la physiologie du mouvement, sur l'adaptation des systèmes sensori-moteurs en microgravité.
Ce travail a été mené en étroite collaboration avec des laboratoires russes et américains.
J’ai par ailleurs été nommée responsable des programmes de physiologie et de médecine spatiale à la Division sciences de la vie du CNES, à Paris, en 1990.
Mon départ pour l’entraînement, à la Cité des étoiles, en Russie, s’est fait en 1992.
Puis le 1er vol est enfin arrivé, en 1996.
Il s’est donc écoulé au total plus de 11 ans entre la sélection et le 1er vol…
Le second vol, lui, s’est déroulé en 2001.
Q : Comment vous sentiez-vous ? / Que ressentiez-vous avant de vous envoler ?
R : J’étais plutôt impatiente.
La phase d’entraînement est intensive, et nous permet de maîtriser l’ensemble des procédures à mettre en œuvre en cas de problème.
C’est également une période qui permet de connaître parfaitement les autres membres de l’équipage, ainsi que toutes les personnes qui accompagnent le projet au sol.
Et de cette connaissance naît une confiance.
L’impatience donc, plus que la peur.
Et une certaine émotion, bien sûr. On a conscience de vivre des moments extraordinaires.
Q : Quelles sortes de sensations avez-vous ‘’expériementées’’ pendant le décollage ?
R : Là encore, de l’impatience et de l’émotion.
On demande souvent aux astronautes s’ils ressentent de la peur au moment de la mise à feu.
A vrai dire, il y a tout un travail à faire, une concentration, qui ne nous laisse pas tellement le temps d’avoir peur.
Il y a plutôt ce que j’appellerais un « stress positif », et un sentiment de responsabilité par rapport à la mission qui nous est confiée.
Et par rapport à la confiance que de très nombreuses personnes placent en nous.
Q : Comment était l’apesanteur, et à quoi avez-vous pensez pendant le vol ?
R : Les premiers mots qui me viennent à l’esprit pour décrire les sensations en apesanteur sont « légèreté » et « liberté ».
En microgravité, l’absence de poids nous ouvre les yeux sur la possibilité d’explorer de nouvelles dimensions, et sur les potentiels inexplorés de notre propre corps.
Et puis, ce qui est impressionnant, c’est la capacité d’adaptation de notre organisme à un nouvel environnement.
Au bout de 48 heures, l’habitude a déjà pris le dessus.
Il est difficile de décrire concrètement ce à quoi l’on pense durant un vol.
Surtout durant les vols courts, comme ceux que j’ai pu faire.
Le programme de travail est chargé, et laisse peu de temps libre.
Mais il est vrai que voir par le hublot la Terre, dans sa beauté, sa fragilité, sa « finitude », nous fait mesurer la responsabilité de l’humanité dans la préservation de notre planète.
Q : Quels ont été les problèmes rencontrés durant le vol et comment les avez-vous résolus ?
R : J’ai eu beaucoup de chance durant mes deux vols : des conditions de vol nominales et un amarrage automatique.
En revanche nous avons pu rencontrer des problèmes mineurs : pannes d’ordinateurs, de ventilateurs…
Mais il faut savoir que dans le module russe et sur la station MIR, tout est fait pour faciliter la réparation d’éléments divers.
Notamment parce qu’un choix a été fait d’utiliser du matériel moins sophistiqué, par exemple, que sur la station spatiale internationale.
Lorsque je me suis rendue sur cette dernière en 2001, quelques mois après son lancement, j’ai pu expérimenter des modules très performants mais dont la mise en route est plus complexe.
De même, nous avons eu des surprises lors d’expériences menées à bord, comme nous aurions d’ailleurs pu en rencontrer en laboratoire.
Je pense par exemple à une expérience sur la physique des plasmas menée lors de mon 2ème vol, en 2001.
Une expérience qui avait maintes et maintes fois été répétée au sol…mais dont les résultats divergeaient totalement dans l’espace !
Notre première réaction a été de nous demander quelle étape de la manipulation n’avait pas été faite dans les règles.
Mais après vérification, c’est en réalité le comportement de ce plasma dans l’espace que nous n’avions pas prédit au sol !
Q : Qu’avez-vous manger à bord ? La nourriture avait-elle vraiment du goût ?
R : Le repas était d’abord un moment de convivialité important.
Nous nous retrouvions autour d’une table sur laquelle était collés des velcros qui empêchaient nos couverts de s’envoler !
Nous avions des aliments dans des conditionnements (conserves, aliments lyophilisés, ou sous vide) très divers.
Mais un de mes repas spatiaux les plus marquants date de 1996 : une école hôtelière de Souillac, dans le sud de la France, avait réalisé, en projet de classe, un repas dans les conditions de stérilisation adaptées.
Nous avions alors eu droit à des cailles farcies aux raisins et à du riz au lait, dont la qualité gustative était tout à fait appréciable !
Q : Comment s’est passée le retour, la ré-entrée ?
R : La ré-entrée dans l’atmosphère était sans doute la partie la plus physique, la plus sportive, du vol.
Je suis dans les deux cas revenue en capsule et non en navette, qui offre des conditions plus « douces ».
Contrairement à la navette qui plane, la capsule se désamarre de la station, puis freine dans les couches denses de l’atmosphère, avec l’ouverture d’une série de petits parachutes.
Cela entraîne des secousses très importantes, qui s’intensifient avec l’ouverture d’un énorme parachute, comportant une capsule de 1000 m2…
De plus le plasma autour du vaisseau s’échauffe fortement… à tel point que le hublot change de couleur : il passe du rose, au rouge au marron…comme s’il brûlait.
Puis la partie superficielle du hublot s’éjecte grâce à un système pyrotechnique.
Et l’on peut de nouveau voir au travers…
Ces sensations étranges sont décuplées par le fait que pendant quelques minutes, les ondes électro-magnétiques ne passant pas, la liaison avec la terre est rompue.
Mais cela a produit un étonnement dont j’ai pu profiter.
Surtout lors du 2ème vol d’ailleurs.
La première fois, je l’avoue, j’ai fermé les yeux Jusqu’à l’impact avec le sol, qui, il faut bien le dire est assez violent.
Et enfin, les équipes de secours ouvrent les écoutilles.
Je garde un souvenir marquant et ému de l’odeur de la terre, qui a imprégné mes narines à ce moment précis, et qui contrastait avec l’absence d’odeur à bord de la station.
L’odeur des steppes, du champ de blé, dans lequel nous avons atterri.
L’odeur de la nature.
Q : Etiez-vous heureuse de revenir sur Terre, ou bien, vous sentiez-vous ‘’capable’’ de passer le reste de votre vie en orbite dans l’espace ?
R : On est d’abord heureux de rentrer pour retrouver ses proches.
Je ne peux toutefois nier que le retour est empreint d’une pointe de nostalgie, de frustration.
Tout cela passe tellement vite. Mais il faut savoir qu’une fois au sol, la mission se poursuit avec l’équipe.
Et le retour est aussi le moment de prendre la mesure de l’aventure extraterrestre, extraordinaire que l’on vient de vivre.