mardi 13 juin 2017

Rencontre avec Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, les deux papas de Valérian et Laureline


Dans le cadre de l'exposition Valérian et Laureline en mission pour la Cité (article complet en cliquant ICI), j'ai eu la chance de rencontrer les deux papas de cette mythique BD qui fête ses 50 ans cette année, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières - l'occasion de leur parler pour un petit entretien.



Jean-Claude, vous avez été cow boy, comment êtes-vous venu au spatial ?
JCM : C'est vrai que j'ai réalisé mon rêve en devenant cow boy. Un autre de mes rêves était de dessiner.
Au début, avec christin, on a raconté des histoires de Far West. Puis comme nous étions dans les années 1960, il était normal de faire du spatial. En plus, la BD de science-fiction n'était pas autant utilisé que cela à l'époque, donc, cela c'est fait naturellement.

Comment a démarré l'aventure Valérian ?
JCM : Dans Pilote en 1967
PC : C'est grâce à Goscinny qui a pris le pari à l'époque d'accueillir des histoires qui n'étaient pas forcément son ''truc''

Quelques mots pour présenter Valérian et Laureline ?
PC : Ce sont deux jeunes héros, pas très ''héroïques'' d'ailleurs. Ils n'ont pas de supers pouvoirs, rien de particulier, pour amener une espèce de fraîcheur, de générosité à l'égard du reste du monde qu'il n'y avait pas dans la SF, parce que dans Valérian, la Terre ce n'est pas l'endroit le plus important au monde.
JCM : Valérian et Laureline sont indissociables. J'ai d'ailleurs beaucoup mieux réussi Laureline que valérian. Souvenez-vous au début, Valérian avait une de ces têtes... (rires...)

Aujourd'hui, il y a une exposition qui vient parler de Valérian et de son rapport à la science - cela vous surprend t-il ?
PC : Ce qui nous surprend le plus, c'est que 50 ans plus tard, on nous consacre une expo comme celle-là. On n'aurait jamais pu imaginer cela en lançant Valérian
JCM : On s'est contenté de créer un monde qui nous plaisait. On n'imaginait surtout pas que nous pourrions être ''des crédits à la science'' (Rires...)

Au début, vous serviez-vous d'une réalité scientifique ?
JCM : Non, pas du tout. On voulait être libre. On a essayer d'être esthétique et pratique. Et moi, je ne voulais pas me prendre la tête dans des recherches longues et fastidieuses. C'est pour ça que de voir des scientifiques se pencher sur Valérian 50 ans après a quelque chose de très surprenant !

Justement, Valérian et Laureline sont une espèce à part dans le monde de la science-fiction, on parle de chef d'oeuvre de SF française...
PC : Nous voulions faire une BD qui soit aux antipodes de ce qui se faisait aux USA. Nous ne voulions pas faire de Comics, surtout pas !
JCM : Valérian a fait bouger les lignes de la BD de SF traditionnelle
PC : Les mots BD, sicence-fiction française ou même chef d'oeuvre sont étonnants et me laissent étonnés. Dans les années 60, au début de Valérian, on n'employait pas le mot chef d'oeuvre pour une BD

En 1967, lorsque sort Valérian, Galaxity est une civilisation fondée sur les cendres de notre société actuelle qui a été détruite suite à une catastrophe nucléaire en 1986 (explosion d'un dépôt de bombes à hydrogène au Pôle Nord)... et en 1986, Tchernobyl ! Pourquoi le nucléaire ? Pourquoi 1986 ? Et comment vous êtes-vous sortis de ce paradoxe spatio-temporel puisque la Terre n'a pas été détruite en 1986 ?
PC : Je peux dire ''merci'' à Tchernobyl (sourire).
Lorsque j'ai imaginé cette histoire, nous étions effectivement en 1967, en pleine guerre froide, en plein monde nucléaire. Il y avait ceux qui vouaient un culte un nucléaire et ceux qui en étaient terrifiés. C'était donc normal de l'utiliser.

Pour la date, je voulais simplement me projeter loin, et 1986 me paraissait bien loin de 1967, et aussi me distancier de George Orwell en mettant après lui (ndlr = 1984). Puis, sincèrement, à l'époque, je ne pensais pas que je continuerai à faire Valérian 20 ans après.

C'est lorsque, finalement, que 1986 a commencé à se rapprocher, que j'ai commencé à penser à ce problème. Un vrai paradoxe spatio-temporel puisque la création allait nous rejoindre...
On travaillé cela, retravaillé, cela a été très compliqué, mais je pense que l'on a réussi...

On dit que Valérian et Laureline est une BD humaniste ?
JCM : Je dois dire que si notre BD est humaniste, alors notre humanisme va très loin.
Vous avez vu les horribles bestioles qui sont à l'entrée de l'expo, il y a parmi elles les Shingouz qui sont des êtres absolument répugnants ! Mais c'est vrai que nous les aimons aussi ! C'est à dire que notre humanisme va au-delà de l'homme !
PC : C'est un gros effort de notre part, nous en sommes conscients, de nous ouvrir sur l'altérité. La terre n'est pas le centre de l'univers, les humains n'en sont pas aussi le centre, et l'humanisme peut donc là fonctionner à plusieurs égards, c'est à dire à la différence de beaucoup d'autres BD de science-fiction, ce n'est jamais le combat du bien contre le mal.
Valérian n'a jamais été une BD particulièrement à la mode, ce qui lui donne la chance de ne jamais être démodée.

Vous donnez des impératifs, des conseils, pour que Jean-Claude Mézières dessinent les personnanges tels que vous les voyiez sur vos scénarios ?
PC : Non, non... Le casting, c'est le dessinateur ! Et à chaque fois, Jean-claude met dans le mille. Exactement, ou presque, tel que j'avais imaginé le personnage !
JCM : C'est un vieux pacte entre Christin et moi, où tu ne mets pas des moustaches sur mes personnages et moi je ne toucherai pas une ligne de ton texte avant que l'on en ai discuté...

Jean-Claude, vos dessins sont très proches de la réalité... D'où vient votre inspiration pour le graphisme ?
JCM : Oui... si on veut, car la réalité du futur est très extensible (Rires...) - Seulement, je crois que l'on a réussi une chose avec valérian, c'est de laisser la plus grande liberté au dessinateur mais en ayant une cohésion avec l'histoire, c'est pour ça, comme je viens de le dire tout à l'heure, on ne retouche ni tete ni dessin sans en parler avant.
J'adore dessiner les architectures les plus baroques, j'adore élaborer des décors, ça m'inspire !

Dans l'exposition, il y a une partie spéciale réservée aux clins d'oeil. Vous pouvez nous en dire plus ?
JCM : Je me suis adresser aux gens pour m'inspirer d'eux (rires...)
Michel-Ange a un peu renâclé au début, mais après il a dit d'accord. Alors, je lui ai dis qu'il serai dans l'expo !
Michel-Ange était content que ''La création d'Adam''soit chamouflé dans une espèce d'expérimentation de laboratoire, en compagnie aussi de grands peintres, comme Pollock ou Renoir.

Pour terminer, on ne peut passer à côté du film de Luc Besson, ''Valérian et la cité des mille planètes'' - Vous qui l'avez déjà vu, comment est-ce de voir ses créations à l'écran ?
JCM : Il faut du temps pour digérer tout ça. Cela fait 50 ans que nous vivons avec nos personnages, et les voir à l'écran, adapter pour un film est quelque chose de quand même perturbant pour un dessinateur. Mais Luc Besson est un grand réalisateur. Vous ne serez pas déçu je pense.
PC : Il n'y avait que Luc Besson pour porter cela à l'écran. Le côté grandiose des décors de la BD, des histoires, est là. Et il n'y avait que lui pour réussir cela.


Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace

(avec Pierre Christin et Jean-Claude Mézières)

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