Pierre Mion est
un artiste, peintre, illustrateur américain.
C’est très
jeune, à l’âge de 12 ans, qu’il veut devenir un artiste.
Artiste
free-lance, il a collaboré pendant près de 40 ans à National Geographic, pour
lequel il réalisa de très nombreuses illustrations, notamment spatiales, qui
ont fait tant rêver les passionnés d’espace ainsi qu’avec de très nombreuses
revues, magazines, ouvrages, publicités, comme Collier’s, Look, Life, Readers
Digest, Smithsonian magazine, Air & Space, etc … Il a aussi créé de
nombreux timbres pour la poste américaine.
Il travaillera
aussi en très étroite collaboration avec l’artiste Norman Rockwell.
Une
collaboration qui durera 12 ans jusqu’à la mort de Rockwell, notamment sur la
fameuse ‘’fresque’’ Apollo 11 de Norman Rockwell pour laquelle il s’occupa de
peindre le fond avec le VAB et la tour de lancement, ainsi que les casques et
les valves de l’équipage (voir après l’interview de Pierre Mion).
Il aussi
travaillé avec Jacques-Yves Cousteau, Carl Sagan, Robert Ballard, Arthur C.
Clarke, Isaac Asimov, Wernher von Braun, etc … ou avec des astronautes comme
Michael Collins et d’autres.
Pierre Mion a
aussi intégré, pour son travail d’illustration, des équipes de recherches comme
celle du Commandant Cousteau, mais bien sûr aussi couvert de nombreux
lancements spatiaux, et était même à bord de l’USS Ticonderoga pour la
récupération d’Apollo 16.
(Poster du magazine Look de juillet 1969) |
(Crédit : Pierre Mion) |
En septembre
1973, il réalise un supplément pour le National Geographic avec un superbe
poster que tous les amoureux de l’espace apprécient.
Même si les
sujets spatiaux ont fait sa réputation, Pierre Mion excelle aussi dans la
représentation architectural, historique, dans les paysages (notamment
western), l’environnement, les transports, etc…
Les œuvres de
Pierre Mion sont exposées dans de très nombreux musées ou galeries, comme la
National Gallery of Art, le NASM à Washington DC (avec une célèbre peinture
représentant l’EVA d’Al Worden lors d’Apollo 15), le Smithonian Museum of
National History, Hayden Planetarium de Chicago, le Space Center à Houston,
Marine Corps Combat Art Museum, ainsi que dans des institutions étrangères
comme Utrech, Tolède, Madrid, Séville , Barcelone, Belgrade …
(Through Royal Gorge, Colorado dans le Reader's Digest de mars 1969) |
(Mexican Hat to Monument / Crédit : Pierre Mion) |
(Al Worden et son ''double'' / Crédit : Francis French) |
(EVA d'Al Worden / Exposé au NASM) |
Pierre Mion a
gentiment accepté de répondre aux questions de Space Quotes – Souvenirs
d’espace
Interview réalisée en avril 2014
When have you
decided to become artist ? And why did you like space exploration, aviation,
etc … ?
I decided to become a
professional artist when I was 12 years old.
I was always interested in
mechanical things and when space exploration started I became very
excited. I am also a glider (sail planes) pilot so I naturally like
aviation.
What was your 1st
professional artist space work and how have you worked on this ?
My first professional space
illustration was with the National Geographic Magazine in 1960.
I have been fortunate to be
able to travel to all of the space facilities in the U. S.A.
What are your(s)
feeling(s) about that many people saw and loved yours painters and works every
days ?
I was always very proud to
know that my space paintings were published in national magazines including
National Geographic Magazine.
Their circulation was 11
million copies a month. Several of my space paintings are in the permanent
collection of the Smithsonian Air and Space Museum in Washington, D. C.
Did you like to go
in space ? And why ?
I would love to go into
space. I sometimes dream that I am on a space ship traveling in space.
What memories have
you o the Apollo 11 lunar landing in 1969 ?
In July 1969 I was with the
National Geographic Magazine at Cape Kennedy Florida to witness the launching
of Apollo 11.
The sight of that 360 foot tall, 15 million horsepower
rocket taking off was a spectacular sight.
The tremendous sound of those
five rocket engines came rolling across from the launch pad and made my whole
body shake.
I was in my living room watching TV when Neil Armstrong and
Buz Aldrin landed on the moon. It was a very proud moment to be an
American.
What is your best
memory about your artist career ?
I have many exciting memories
of my career as an artist a few of which include; going down in a gold mine in
South Africa, 1973, 10,500 feet below the surface; being on the aircraft
carrier “Ticonderoga” in 1972 when the Apollo 16 astronauts landed in the
ocean; going to Viet Nam in 1968 to do combat paintings for the U. S.
Marine Corp; diving with Jacques Cousteau in Monaco in 1962 and many,
many more !!!!
(Crédit : Pierre Mion / National Geographic / Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace)
(Œuvre originale vendue en 2014 par maison enchères Bonhams) |
Quelques timbres créés par Pierre Mion
(Crédit : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace)
(7 septembre 1991 : Bicentenaire du District of Columbia) |
Je vous ai fais une traduction de la
rencontre entre Norman Rockwell et Pierre Mion, telle que celui-ci l’a racontée
dans Air & Space de septembre 2006.
Norman
Rockwell’s Ghost
The most
artistic collaboration of the entire Apollo program
« Mon nom est Norman Rockwell et je suis illustrateur »
« D’accord. Et mon nom à moi est Mickey Mouse » répondis-je.
Mon interlocuteur répéta encore une fois son nom, mais je ne voulais toujours pas le croire, pensant que c’était un de mes amis coutumier de faire des blagues.
« Allez, Billy. Je sais que c’est toi »
« Je ne suis pas Billy ! J’ai 72 ans ! Posez-moi n’importe quelle question sur moi ! »
Là, j’ai commencé à me dire que c’était peut-être réellement Norman Rockwell…Je lui demandais la bouche un peu sèche :
« Que puis-je faire pour vous Mr Rockwell ? »
Il me dit que le magazine Look lui avait
commandé trois peintures ayant pour sujet le premier atterrissage humain sur la
Lune, qui devait théoriquement avoir lieu d’ici la fin 1969.
Il avait quelques problèmes pour réaliser ce projet et me demandait si je pouvais le conseiller et l’aider. Là, je pensais encore être victime d’un canular car, Norman Rockwell, ne pouvait pas me téléphoner et encore moins me demander de l’aide et un avis.
Il avait quelques problèmes pour réaliser ce projet et me demandait si je pouvais le conseiller et l’aider. Là, je pensais encore être victime d’un canular car, Norman Rockwell, ne pouvait pas me téléphoner et encore moins me demander de l’aide et un avis.
Il me parla d’un des articles que
j’avais illustré pour National Geographic quatre ans auparavant sur une sonde
se posant sur la Lune. Aussi, je lui demandai :
« Quand voulez-vous que je viens
vous rencontrer à vôtre studio de Stockbridge ? »
« Que pensez-vous de demain ? »
J’ai dis que j’étais d’accord et il me
dit de réserver de suite un billet Hartford/Springfield par la compagnie
Allegheny Airlines. Je le rappelai aussitôt après avoir fait cette réservation
et il me dis qu’un ami à lui, Ken Hall qui était aussi propriétaire de la
station essence et du garage locaux, viendrait me chercher et que je ne
pourrais par le rater, car il mesurait 2 mètres et était très large d’épaules.
A ce stade, je n’étais pas encore sûr à
100% que ce n’était pas un canular, même très élaboré. Je pourrai m’attendre à
rencontrer, une fois arrivé à Stockbridge, mon ami Billy me disant :
« Garçon, je t’ai bien eu cette
fois ».
Quand je fus arrivé au studio, Norman
Rockwell m’attendait, là. J’avais préparé une petite allocution quand même et
je commençais avec :
« Mr Rockwell, … »
« Appelez-moi Norman, et je suis
très heureux de votre venue ».
Nous sommes ensuite allé tout droit vers
un chevalet où une peinture à l’huile était commencée représentant un
astronaute descendant du module lunaire et s’apprêtant à poser son pied gauche
sur la surface de la Lune. Rockwell mis son bras autour de mes épaules et
commença à me questionner sur des détails techniques et sur les couleurs de la
surface de la Lune.
Durant la conception et la construction
du vaisseau (LEM), beaucoup de choses changèrent par rapport au plan initial,
et les gens de la NASA tenaient Rockwell informé en lui envoyant les mises à
jour, mais de façon brouillonne.
Il avait besoin de moi et de mon expérience avec les sujets spatiaux pour prendre quelques décisions décisives pour lui et ainsi il pourrait finir la peinture. Quand j’étais enfant, j’ai peint plein de fusées imaginaires, et plus tard, j’ai forgé mon travail grâce à une agence de design qui avait de fréquents contrats avec la NASA. J’ai aussi travaillé sur plusieurs illustrations concernant Apollo, aussi je lui donnais mon avis sur plusieurs détails et qu’il accepta.
Il avait besoin de moi et de mon expérience avec les sujets spatiaux pour prendre quelques décisions décisives pour lui et ainsi il pourrait finir la peinture. Quand j’étais enfant, j’ai peint plein de fusées imaginaires, et plus tard, j’ai forgé mon travail grâce à une agence de design qui avait de fréquents contrats avec la NASA. J’ai aussi travaillé sur plusieurs illustrations concernant Apollo, aussi je lui donnais mon avis sur plusieurs détails et qu’il accepta.
Lors d’une fin de journée qui avait été
très productive en échanges, Rockwell me dit qu’il n’avait pas assez de temps
pour terminer dans les délais les trois peintures pour Look. En plus du premier
pas sur la Lune, on lui avait aussi demandé un portrait d’astronaute et aussi
un décollage de la partie supérieure du LEM quittant la Lune. Rockwell me
demanda si je pouvais faire la 3ème peinture pour lui, et qu’il
ferait quelques retouches et la signerait. J’étais sans voix et je ne pouvais
pas lui répondre de suite, aussi il me dit qu’il me paierait ce que National
Geographic me payait, et comme je ne répondais toujours pas, il dit :
« Oh, diable ! Je vous paierai ce que vous voudrez ! »
Je ne pouvais pas croire que Norman
Rockwell me demandait de jouer au ‘’peintre fantôme’’ pour lui. Je finis par
lui répondre que je serai ravi de le faire et que le National Geographic me
payait 1 000,00 $ pour ce genre de travail. Il a dit que c’était bon et je
rentrais par le dernier vol.
Une semaine après, j’avais terminé la
peinture, et j’appelai Rockwell pour lui demandé si je devais lui envoyer. Il
ma répondu qu’il préférerai que je l’amène avec moi et que nous pourrions
comparer nos deux peintures. Inutile de vous dire que j’étais très nerveux,
mais j’ai pris mes réservations pour le lendemain (Rockwell me les remboursa
plus tard) et une fois encore, Ken Hall était à l’aéroport. Je continuais à me
demander quelles sortes de retouches Rockwell voudrait faire à mon tableau. En vérité,
je pensais avoir fait du très bon travail, et une retouche le salirait certainement.
Arrivé au studio de Rockwell, il me
demanda immédiatement de déballer la peinture. Vous pouvez imaginer dans quel
état j’étais. Il dit :
« Oh, c’est vraiment du très bon
travail. Bien meilleur que ce que je pensais qu’il serait. Je pensais qu’il
ressemblerait plus à du dessin d’ingénieur ».
Je commençais à comprendre
ce qu’il me disait, surtout qu’il continua en me disant que le tableau était
très joli et qu’il aimait beaucoup mes couleurs qui étaient bien plus belles
que celles qu’il avait pour son tableau Premier pas sur la Lune.
Il me demanda si je pouvais rester quelques jours pour retoucher les couleurs du siens afin qu’elles soient proches des miennes.
Il me demanda si je pouvais rester quelques jours pour retoucher les couleurs du siens afin qu’elles soient proches des miennes.
J’acceptai, et pendant cette période, j’ai
découvert que Rockwell était un vrai ‘’accro’’ du travail : Il se levait à
l’aube chaque jour, préparait son petit déjeuner avec 2 œufs à la coque et un
jus d’orange fraichement pressé, et ensuite, il allait à son studio de travail.
Il peignait toute la matinée, tantôt debout, tantôt assis devant son chevalet,
faisait une pause pour déjeuner et reprenait sa peinture jusqu’au coucher du
soleil.
Revigoré par le petit déjeuner que me
préparait Rockwell, je commençais à travailler sur sa peinture, dessinant les
antennes en haut du vaisseau, repeignant les étoiles, dessinant et peignant l’intérieur
du vaisseau comme vu au travers de fenêtres.
Il était très embarrassé de recevoir ce type d’aide, surtout sur une peinture qui est reprise par quelqu’un d’autre. Il ne l’avait jamais fait auparavant.
Il était très embarrassé de recevoir ce type d’aide, surtout sur une peinture qui est reprise par quelqu’un d’autre. Il ne l’avait jamais fait auparavant.
Pour le mettre à l’aise, je lui
rappelais que le peintre Rubens avait une quarantaine d’étudiants dans son
atelier de travail, et que lorsqu’une peinture d’un de ceux-ci lui plaisait, il
la signait. Il y a toujours aujourd’hui des peintures signées Rubens dont l’origine
est incertaine.
Un jour que je travaillais sur le tableau,
Rockwell était en train de se relaxer,
sur un banc sous une des fenêtres nord, et fumant sa pipe habituel, et il me
dit :
« Vous savez Pierre, et bien j’aime
bien ce que faisait Rubens ».
Les trois peintures ont été terminées et
données à Look dans le délai imparti, et ensuite lorsqu’ elles ont été
publiées, l’une d’elle avait cette légende :
“Norman Rockwell, assisted on this painting by artist Pierre Mion, shows
the departure of Apollo astronauts from the moon….”
Je ne pouvais demander mieux. Si Look m’avait
donné le crédit total pour cette peinture, les gens auraient pensé que Rockwell
et moi avions travaillé de façon indépendante. Mais parce cette légende nous
liait tous les deux, ce a donné un sérieux ‘’boost’’ à ma carrière. De plus,
Rockwell me donna 1 500,00$ pour mon travail au lieu des 1 000,00 que
m’aurait donné National Geographic.
Une autre fois, nous étions en Floride
pour faire des recherches et des photos des astronautes d’Apollo 11, pour une
grande peinture que Rockwell devait faire pour Look et qui devait commémorer le
premier alunissage.
La NASA nous avait arrangé un rendez-vous pour les
photographier au Holiday Inn de Cocoa Beach où ils se trouvaient. Collins,
entra d’abord dans le bureau et était très heureux de rencontrer Rockwell, et
était très humble et poli.
Quelques minutes plus tard, ce fut le tour d’Armstrong
et d’Aldrin de rentrer, et ils semblaient totalement indifférents et pas du tout
impressionnés de rencontrer Rockwell et paraissaient ennuyer par cette ‘’sottise’’
de nous rencontrer, tellement ils étaient concentrés.
En regardant les yeux d’Armstrong,
je me suis senti comme si je regardai un étranger, froid comme l’enfer.
Avant ce voyage en Floride, l’idée
première de Rockwell était de peindre les trois astronautes d’Apollo 11
entourés d’explorateurs comme Colomb, Magellan ou l’Amiral Richard E. Byrd. Je
lui suggérais qu’il devrait montrer les trois astronautes entourés de personnes
de la NASA et de l’industrie qui avait rendu le premier voyage d’un homme sur
la Lune possible. Il aima l’idée et c’est ce qu’il peignit.
Il avait aussi photographié le manager
du Holiday Inn, et croyez-le ou non, on le retrouve sur la peinture en bas dans
le coin droit, au milieu des responsables de la NASA.
Rockwell m’expliqua aussi la raison pour
qu’il avait choisi une représentation de profil car cela prenait beaucoup moins
de temps à peindre des moitié de visages.
Je l’assistais pour le fond et je
peignis le VAB, la tour de lancement ainsi que les casques et valves des
astronautes. L’article de Look avec cette peinture, ainsi que trois autres de
moi, ne paru que juste après le retour sain et sauf de l’équipage le 24 juillet
1969 (ndlr = même si le numéro porte la date du 15 juillet).
Rockwell et moi avons continué de
travailler ensembles et à être amis jusqu’à sa disparition en 1978.
(Le poster de Look ainsi qu'une représentation dans une revue du NASM) (Collection Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace) |